Anna | Is there anyone here who speaks English ? Or maybe even ancient Greek ?

J’ai « vu » des choses affreuses. Que ce soit du côté des mutants, ou du côté des Hommes. Dans le présent et plus encore dans le passé. Des guerres où les différences ne se comptaient plus, des massacres de Mutants, des hommes soumis à eux, et tout ça, évidemment, dans des conditions inhumaines. Enfin, quand je dis que je l’ai vu, je veux dire que je l’ai étudié… Mais si vous me proposez de m’amener dans le passé, pourquoi pas ? *rire* Plus sérieusement, l’Histoire se répète, inlassablement, de façons différentes. Les acteurs changent, voilà tout. Peut-être qu’un jour, les acteurs de l’Histoire auront assez d’esprit pour cesser tous massacres, toutes discriminations ? Oui, j’entends bien dire « peut-être qu’un jour les femmes auront autant de droits que les Hommes » ! Mais en attendant, on massacre les mutants. Est-ce juste ? Je suis archéologue, vous savez. J’observe, je détermine, surtout le passé. Ce que je pense de la Purge, c’est qu’elle sera contrainte de cesser un jour, que ce soit de force ou naturellement.

Une idée pour y mettre fin ? Ouais. Plusieurs : d’abord, n’ayez pas peur de mourir. Ensuite, n’ayez pas peur de tuer. A partir de là, plusieurs solutions : déclencher une guerre avec l’Irak – pour peu qu’ils aient la bombe nucléaire – ou accéder à la Maison Blanche pour faire sauter l’Amérique. Pourquoi vous faites cette tête ? Vous me demandez des solutions, je propose ! *rire* Alors non, j’espère vraiment que vous ne diffusez pas ce truc à l’antenne, je me sentirais coupable si quelqu’un prenait mes paroles au premier degré. La Purge prendra fin – tout à une fin.

Qu’est-ce que j’attends du futur ? Oh, toujours plus de sites, toujours plus de fouilles, de mystères à percer, de secrets à découvrir, de momies à embrasser ! – Non je plaisante. Dites, je peux passer une annonce ? Merci. *se tourne face à la caméra* Je suis célibataire ! *léger rire* C’est bon, je suis bonne pour le harcèlement, n’est-ce pas ?

•• Once Upon A Time

La vie d’Anna n’a pas toujours été le reflet coloré des saveurs sucrées de son enfance. Ou, plutôt, de sa petite enfance. Elle est née dans un quartier assez chic de Belfast. Du moins, elle appelait « quartier assez chic » la banlieue proprette et fleurie dans laquelle elle a grandi, et dans laquelle elle aime revenir quand cela lui est possible. Elle y a, après-tout, passé les premières années de son enfance, la chambre remplie de petits soldats, d’action man, de posters de sportifs… Attendez une seconde, il y a un problème ? Oui, en effet. J’ai oublié de vous préciser qu’à cette époque, Anna s’appelait Caolan, et qu’elle est un homme.

Un homme, ou plutôt un petit garçon, Caolan. Et entre les petits mecs, c’était à celui qui faisait pipi le plus loin, les matches de foot toute la journée, à courir tout le temps, partout, tomber, s’écorcher, rouler dans la boue, roter, péter (enfin, ces deux-là, pas trop, soyons polissons mais également polis). Revenir sale comme un petit cochon, mais fier et heureux, un grand sourire collé au visage parce que – oui – il avait le monde à ses pied. Il était le roi, le dieu, à l’âge de l’innocence et de l’insouciance, où un sourire pardonnait tout. Le plus bel âge.

Mais voilà, il y a forcément un temps où tout dérape. Où on se sent un peu Alien, un peu mutant. Caolan est un beau jeune homme, grand et fin, qui semble réussir tout ce qu’il entreprend. Son destin l’emmène peu à peu vers son rêve sans qu’il ne paraisse faire de grands efforts : l’archéologie. La seule tâche sur ce parfait tableau était sa vie amoureuse. Pourtant, il avait un certain succès auprès des filles ! Mais il ne se sentait pas attiré par elles, alors il observait les sportifs sur ses posters, un demi-sourire, en se disant « j’attendrais la bonne ». Il attendit, jusqu’à ce les garçons le taquine – pas de façon réellement gentille, je vous l’accorde – sur sa possible homosexualité. Et il ne faut pas croire que c’est parce qu’ils ont dix-sept ans que les garçons sont matures.

La première expérience de Caolan fut donc avec une charmante demoiselle, dont il serait bien incapable de vous dire le prénom. Ce qu’il retiendra de cette aventure, c’est ce qui y mit fin. Non pas son impuissance face aux avances de la demoiselle (ça, il vous le cachera plutôt deux fois qu’une !) mais un merveilleux moment sous les douches… Où il s’est totalement liquéfier de l’intérieur. Ah, si sa « copine » avait été là, quelle jalousie elle aurait éprouvé, en voyant que son cher Caolan était loin d’être impuissant, mais tout simplement pas attiré par les femmes ! Face à son camarade entré dans la douche à l’improviste, de façon langoureuse, aguicheuse, il ne put que… Craquer.

Ce fut le début du cauchemar. En soi, il eut d’abord la délivrance. Les réponses aux questions du style « Pourquoi est-ce que je trouve les sportifs sexy, et pas les plus belles filles de mon école ? ». Mais la descente aux enfers s’ensuivit. Il semblerait qu’ici, on n’est pas le droit d’aimer les hommes quand on en est un. Le problème, plus profond et mesquin encore, c’est qu’il sortait finalement avec ledit camarade ; dans le plus grand des secrets. Ce fut une expérience intense, mais bien trop courte. Sa popularité au sein de l’établissement semblait plus importante que les relations humaines et les sentiments – s’il en avait eu. C’est la tête basse, le nez dans ses bouquins, Caolan a terminé ses études sans plus de difficultés qu’au début. Au niveau social, par contre… Ses seules joies étaient la perspective de pouvoir partir sur le terrain, au moins en tant que stagiaire, dès l’obtention de son diplôme. C’est ce qui l’aida à tenir jusqu’à avoir quitté cet enfer.

•• First Part

La vie est belle. Un large sourire fend le visage de Caolan, alors que l’hélicoptère se posait à Baalbek. Cela faisait un peu plus d’un mois qu’il venait sur le site presque tous les jours, et la beauté des lieux l’époustouflait à chaque fois. Il sentait son cœur cogner dans sa poitrine, comme au premier jour. Et pourtant, du haut de ses vingt-deux ans, il n’en était pas à sa première fouille ! Plein d’une patience insoupçonnée lorsqu’il s’agissait d’archéologie, il s’était montré très compétent en la matière et avait rapidement gravi les échelons du métier… Enfin, façon de parler. Loin derrière lui le temps du petit stagiaire hésitant !

Il se tourna légèrement, pivotant sur ses talons pour embrasser le site du regard. Il aimait le moyen orient. Cette terre était tellement captivante, et tous ces vestiges… Ici, au Liban, un temple de Jupiter ! Demain – plus tard – ailleurs, dans cette magnifique région, il trouverait d’autres merveilles. Son regard termina sa course sur l’interprète qu’on leur avait assigné. Une autre belle surprise de la région. En plus d’être un bel homme, Neil et lui partager la même passion, le même amour du Moyen Orient. Cela donnait de jolis discussions – voir de jolies rêveries – sur l’oreiller. Avant ou après avoir roulé dans les draps.

C’était une belle aventure, tant au niveau professionnel que passionnel. Malgré les quelques réticences publiques de Caolan, qui n’avait malgré tout pas vraiment digéré la discrimination de ses années d’étudiant. Mais tout fini par cesser, un jour où l’autre, et on ne fouille pas éternellement le même site – même s’il l’aurait bien voulu. Le dernier jour approchait à grands pas, lorsqu’ils furent interpellés violemment par un groupe djihadiste. Les gardes armés furent tués avant qu’ils aient eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait – il faut dire que la vigilance se relâchait à quelques jours de la fin – et le reste de l’équipe fut divisé en plusieurs groupes.

Victime d’un enlèvement. Ils étaient victime d’un enlèvement. Caolan aurait vraiment cru qu’on ne voyait ce genre de choses que dans les Indiana Jones, ou que cela n’arrivait qu’aux autres – et particulièrement aux journalistes. Dans son malheur, le jeune archéologue réussit à se retrouver avec Neil, Shana – la stagiaire – et Sir Stanford – scientifique grisonnant. Les jours… Les semaines… Les mois, peut-être même, qu’ils passèrent dans cet endroit étroit et sombre, parfois forcés d’apparaître sur des vidéos, furent assurément les plus rudes de sa vie, et lui qui n’était déjà pas bien épais maigrissait à vue d’œil. Pourtant, ce cher Neil faisait son possible pour lui rendre la vie plus douce ; il essayait toujours d’attirer l’attention sur lui quand elle était trop portée sur Caolan, prenant souvent les coups à sa place, lui donnant parfois sa portion de nourriture… Le jeune homme lui en était plus que reconnaissant, et parfois était même gêné d’accepter sa nourriture. De toute façon, s’il n’en voulait pas, on la lui mettait de force dans la bouche, d’un moyen ou d’un autre.

Peut-être que cette mauvaise expérience fit que Caolan idéalisa Neil. Peut-être que son cœur gonflé d’admiration – et d’amour – ne l’aurait pas été tant s’ils n’avaient pas été kidnappés. Toujours est-il que cela les rapprocha, et quand – enfin ! – on vint les sortir de là, il imaginait peut-être un nouvel avenir d’homosexuel assumé. La joie le submergea, et il offrit un large et honnête sourire à Neil, avant que l’affaiblissement, ce remue-ménage soudain et toutes ces émotions ne lui fassent perdre connaissance. L’archéologue s’éveilla quelques heures plus tard dans un hôpital. Quand il put en sortir, il dût faire tous les bâtiments pour retrouver son compagnon, avant que sa joie ne retombe peu à peu. Il fallait qu’il se rende à l’évidence. Neil était parti.

•• Second Life

Caolan prit un billet pour les USA, et un visa longue durée. Il passa des concours pour pouvoir enseigner en université, sans pour autant abandonner les fouilles – qui lui prenait toujours le plus clair de son temps. C’était une sorte d’échappatoire pour lui. Oublier ces dernières années, oublier Neil, oublier le Moyen-Orient et les terroristes. Pourquoi était-il si malheureux en amour ? N’y avait-il donc que dans le travail qu’il excellait ? Ou bien était-ce le sort réservé à tout homosexuel ? Un jour, il prit sa décision. Sur un coup de tête, peut-être, mais il ne se posa pas deux fois la question.

Son travail était payant, et on ne pouvait pas dire qu’il manquait d’argent. Bon, après son opération, Caolan en avait soudainement beaucoup moins, certes. Mais dès le mois prochain, il reprendrait une vie normale. D’un autre côté, quand on engage les meilleurs du continent, voir du monde, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils nous fassent un cadeau sur la feuille de paie. Au moins, le résultat était là. De belles courbes, des lèvres pulpeuses, une perruque… Beaucoup moins de poids entre les jambes… Anna était satisfaite de son apparence. Oui, Caolan avait subi une opération pour changer de sexe. Il – elle – ne supportait plus sa condition. L’archéologue a alors décidé d’emprunter le surnom d’« Anna », et c’est ainsi qu’elle se présente à présent – même si son véritable prénom reste Caolan.

Elle avait vingt-huit ans lorsqu’elle se décida à reposer un pied au Moyen-Orient. Entre ses fouilles, elle cherchait désespérément son ancien ami. Si elle était passée à autre chose – du moins, c’est ce qu’elle pensait – elle avait tout de même envie de le revoir. La jeune femme rata l’invasion des Atlantes – elle était au cœur d’un temple Maya – mais elle en entendit parler, et regretta de ne pas avoir pu y assister. Ces derniers temps, elle se pose un peu, donnant des conférences sur ses trouvailles et recherches. Et il me faut bien dévoiler son secret ; la raison de sa réussite est sa mutation. Caolan est capable de voir le passé, et cela l’aide énormément lors de ses recherches. Elle semble avoir la science infuse, mais en réalité ses connaissances viennent de là. De ces objets, de ces lieux, de ces monuments qui lui parlent…

Elle n’en a jamais parlé, et a affronté la Purge sans crainte. Peut-être aurait-elle dût en avoir. Peut-être aurait-elle dû participer à la résistance, plutôt que de faire valoir cette sacro-sainte immunité que l’on accorde aux archéologues de renom – après tout, ses recherches avaient parfois prouvé la férocité des mutants. Peut-être n’aurait-elle pas dû se placer comme simple observatrice. Peut-être aurait-elle dû arrêter Neil lorsqu’elle l’avait croisé dans la rue, qu’elle s’était figée au milieu du trottoir, le cœur battant, et qu’il l’avait frôlé en grognant quelques excuses. Peut-être aurait-elle dû tendre le bras, lui parler, lui dire qui elle était, plutôt que d’aller chercher des renseignements sur lui, plutôt que de trouver son adresse, et remuer ce petit morceau de papier entre ses doigts, attendant d’avoir le courage d’aller le trouver…

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