Rookie Collins on duty, Ma'am !

A vrai dire, je n'ai pas eu le temps d'y penser, encore. J'ai toujours été considérée comme un outil, un élément utile et entraîné, et j'avais déjà rejoint le S.W.O.R.D. pour mes 21 ans, avant que ça ne dégénère en bas, avec la Purge. On a vu tellement de merde, là-haut, que l'on a pas pensé à ce qui pouvait se passer là-bas. J'imagine que ça vaut toujours mieux que la Purge, même si je ne suis pas sûre qu'avec ce que je ramène, on ne me dissèquera pas...

Si vous voulez mon avis, ça ne s'arrêtera pas là. Un génocide n'a pas été concluant, alors maintenant, on cherche une autre tactique. Le problème, c'est pas franchement les mutants, après tout, j'en suis une aussi... Le problème, c'est la perte de contrôle. Dans une unité comme dans n'importe quel groupe d'individus de n'importe quelle espèce, lorsqu'un individu devient dangereux pour le reste du groupe, on élimine le risque, pour le bien commun. C'est de la logique, on ne reste pas à côté d'une bombe à retardement. C'est d'ailleurs pour ça qu'on m'a envoyée en psychiatrie, parce qu'on pense que je suis un danger pour le groupe, et ils n'ont sans doute pas tort.

Sauf votre respect, je suis bien placée pour vous dire qu'on est pas seul dans ce foutu univers. Mon dernier contact avec une espèce alien m'a coûté assez cher...

   J’avais sept ans quand mes capacités psychiques se sont déclarées. A l’époque, mes parents m’emmenaient encore avec eux, durant leurs déplacements. Il fallait voir la tronche de mon père quand il a compris que sa fille unique était une aberration de la nature. Il n’a rien dit, comme d’habitude, le simple fait que je vienne au monde en étant une fille avait déjà brisé tous ses plans, alors une mutante, n’en parlons pas. Il a simplement serré ses mâchoires, d’un air sévère, impénétrable, froid, comme toujours. Ma mère, elle, elle pleurait, comme si elle venait d’apprendre que sa fille unique allait crever d’un truc incurable. Et moi, j’étais là, à essayer de comprendre ce que j’avais bien pu faire, à promettre que je ne recommencerai pas, à redouter une punition que je n’avais pourtant pas mérité. Mais c’était déjà trop tard : plus rien ne serait comme avant. Je n’étais déjà pas très proche de mes parents, à la base, sûrement parce que mon père, cet Officier, ce militaire maniaque du contrôle, s’était mis en tête qu’il aurait un fils qu’il façonnerait à son image. Après qu’elle m’ait mise au monde, avec beaucoup de complications, ma mère s’est vue retirée son utérus, la rendant incapable de fournir le mâle tant désiré par mon paternel… De déception en déception, j’imagine, et difficile à supporter pour lui et sa gestion militaire. J’imagine qu’il ne pouvait tout simplement pas se débarrasser de moi, j’étais son sang, et sans doute, cela aurait dévasté ma mère.
Ils m’envoyèrent au Texas, à Austin, vivre chez mon oncle, prétextant que pour leur prochain déplacement, je ne pouvais pas les suivre. Malheureusement pour eux, je savais pertinemment ce qu’ils pensaient. Ils m’abandonnaient, tout simplement. Au début, c’était douloureux. Mais au final, j’y ai trouvé mon compte : mon oncle Douglas Collins. Un flic, pas très penché sur les grandes démonstrations d’affection, un truc de Collins, j’imagine, mais pas aussi glacial que mon père. Il a été un père pour moi, un frère, un ami. C’est avec lui que j’ai tout appris, et c’est grâce à lui que je suis devenue ce que je suis.
Et puis, j’ai grandis, et j’en voulais à mes parents qui ne me donnaient pas de nouvelles, qui avaient tout simplement arrêté de venir me voir, qui m’envoyaient seulement un chèque, en fin d’année, sans même un petit mot. C’est là que j’ai commencé à me rebeller. J’en avais marre de jongler entre l’école et les scientifiques que mon père avait déniché pour m’étudier, étudier mon pouvoir. Je cherchais à attirer leur attention, et on peut dire que ça a marché puisqu’enfin, après tant de temps, je rentrais chez moi pour être accueillie par mon oncle, la mine sombre et attristée, et mon glaçon de père dans le salon. Malheureusement, ce n’était pas une visite de courtoisie, mais un plutôt un conseil de discipline. Il m’annonçait seulement que j’allais rejoindre un lycée militaire, ni plus ni moins un centre de redressement, en plus de continuer mes différents entraînements. Et comme toujours, je me suis écrasée, en baissant la tête, frissonnant à la fois de colère, de frustration et de peur.
Le Centre n’était pas n’importe quel centre, c’était un truc plus ou moins officiel, géré par le SHIELD ou un truc du genre, on était tous un peu spéciaux, on avait tous des capacités. Et on avait tous besoin d’être maté… Mais ça ne suffisait pas pour me briser, au contraire, j’avais la fureur de vaincre, j’encaissais tout, comme mon oncle me l’avait enseigné. Un obstacle, je passais au travers. Je voulais lui montrer, à mon père, qu’il pouvait m’envoyer où il voulait, mais qu’il ne pourrait pas me briser. J’ai eu quelques problèmes d’intégration avec le groupe, et d’autant plus avec les instructeurs. J’en ai chié, oui, mais j’ai tout encaissé, pour pas qu’il m’oublie, pour qu’il entende parler de moi, inconsciemment pour qu’il revienne, pour qu’il me reconnaisse. Mais il n’est pas revenu. J’ai seulement reçu un courrier d’avertissement, le genre très officiel et militaire, que si je ne me tenais pas à carreaux, ce serait conseil disciplinaire, et tout le bordel, où il expliquait avec un jargon d’officier, qu’il m’enverrait croupir dans une cellule de recherche du SHIELD en tant que sujet d’étude et qu’il valait mieux pour moi que je rentre dans le rang.
Trois ans passèrent, je sortais, à 21 ans, major de promotion, direction Division Psy’ du SHIELD ou du SWORD, à moi de choisir. Quitte à être hors de vue de mon père, alors j’ai choisis de carrément quitter cette planète. Mais je crois que ce qui m’a réellement donné envie de m’engager, c’est quand j’l’ai vu, le Capitaine Morgan. Mon mentor. J’admirais tellement cette femme soldat. Une meneuse, une vraie, qui emmène son équipe avec elle. Il n’y a qu’à voir comment ses hommes la regardaient. C’était pas une bureaucrate, elle. C’est ça qui m’a donné envie d’aller en première ligne.
J’ai quitté la Division Psy pour rejoindre la 34ème en tant que 2nd classe. C’était complètement différent de ce à quoi j’avais été préparé, mais les gars ont fini par reconnaître ma valeur, le Capitaine aussi, et ce dès notre premier drop, où l’on m’a baptisée Phantom Prophet, grâce à mon don de précognition qui nous a assuré la victoire en contredisant pourtant une tactique mise au point par la hiérarchie. Le Capitaine m’a fait confiance, elle, là où tout le monde semblait sceptique, et pour ça, je lui en suis plus que reconnaissante.
Il y a de ça neuf ou dix mois, on nous a dropé sur Centuris Prime, une mission de reconnaissance en unité restreinte, ma première en binôme avec le Capitaine, j’étais tellement excitée. Il n’y aurait pas dû avoir contact, mais pourtant… Je ne saurais pas expliquer ce qui s’est vraiment passé, là-bas, seulement, la puce du Capitaine fut plus efficace que ma barrière psychique, et je suis entrée en ‘dérive psy’ avec l’Alien synapse. C’est comme ça qu’il m’a en quelque sorte connectée à l’Esprit de la Ruche, juste avant de se faire dessouder par mon Capitaine.
Cette dérive psy a tout changé, amplifiant énormément mes capacités psychiques, et on m’a renvoyée sur Terre directement, direction soins intensifs puis carrément psychiatrie. Une nouvelle fois internée, mais cette fois, en compagnie de divergents dont les pensées morbides et folles résonnaient à l’infini dans ma tête. Le silence, ça n’était jamais le silence, j’avais oublié ce que c’était, et je ne pouvais plus dissocier mes pensées de celles des autres. Sans oublier les visions affreuses de ce qui se passait là-bas, sur Centuris Prime, l’omniprésence de la Ruche, autour de moi, épiant chacune de mes pensées, de mes faits et gestes… J’étais devenue leur éclaireur, contre mon gré…
Prise d’une crise de paranoïa, j’ai réussi à m’échapper de cet asile, non sans péter quelques dents et bras, et je me suis retrouvée dehors, à errer dans les rues, dans une ville que je ne connaissais pas. J’ai voulu me tirer une balle, pour que le silence revienne. Quand je l’ai vu. Je savais où la retrouver. Je savais que je devais la retrouver. Capitaine Morgan.

   

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