Hey ! Nice to meet you | Ft. Chelsea

Je tentais actuellement une période de « décomplexion ». Du moins, c’est le nom que je donnais à cette chose toute bête – et pourtant presque effrayante – que je m’apprêtais à faire ; sortir. Être bien habillée, un peu maquillée, et aller passer une soirée avec une amie dans un petit pub tout à fait respectable, pas très loin. J’entrais dans cette phase de décomplexion parce que, soyons sérieux, je reconnaissais bien que ma timidité, plus que compulsive, était… Maladive. Un véritable handicap que je ne maîtrisais absolument pas. On me le reprochait souvent ; « Impose-toi un peu plus, Rahne ! » « Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? Tu ne donnes jamais ton avis… » « Eh, t’es pas bavarde dis donc. ». Oui, je sais. J’y peux rien, et ça m’embête vraiment, vous savez…

Tenez, regarder. J’essaie de mettre un peu de fard à paupière, et se sont mes joues qui s’enflamment. J’y peux rien, je suis comme ça. Je ne devrai pas y aller – mais si, bouge-toi les fesses ! Tu as promis de venir, depuis qu’elle a quitté l’institut, tu ne l’as pas revu, ça fait deux semaines que c’est prévu ! Voilà à peu près ce que je me disais, me répétais, en terminant de me préparer, gardant ma précieuse croix autour de mon cou. Je… Je… C’était vraiment moi, là ? Bon dieu. Si Bobby me voyait… Après un soupire, j’attrapais mon sac et me dépêchais de partir, ni vue ni connue. Je rougissais déjà de ce que mes camarades diraient demain quand ils sauraient ce que j’avais osé faire.

J’étais arrivée en avance et, finalement, mal m’en pris. Mon amie était malade, clouée au lit, et moi j’étais seule dans ce pub qui, heureusement, était tout sauf sordide. En revanche, croiser le regard de tous ces inconnus me mettait légèrement mal à l’aise malgré tout. Je ne pouvais décemment pas partir alors que la serveuse était déjà venue me demander si je voulais quelque chose, n’est-ce pas ? Je me posais cette question parce que, justement, elle revient. Avec un léger moment d’hésitation, je finissais par prendre un jus d’orange. Rien de bien extravagant.

Je relevais néanmoins la tête, soudainement intéressé par ce qu’il se passait. Une jeune femme, en l’occurrence, qui montait sur scène pour chanter. Et… Je dois l’avouer… Elle chantait bien. La jeune mutante était même en admiration devant elle, et lorsqu’elle quitta l’estrade après avoir terminé sa prestation et qu’elle s’approchait du bar, que je remarquai qu’elle ne semblait pas accompagné, un soudain élan de courage je lui parlais ;

« Bonsoir ! Très belle prestation, tout à l’heure. Je peux vous offrir quelque chose ? » Mon dieu. Qu’est-ce qui m’arrivait ? Voilà que je parlais à une inconnu sans devenir pivoine. C’est bien ma grande, tu devrais laisser des dieux entrer dans ta chambre plus souvent. Non, non, ne pas penser à ça. « Je m’appelle Rahne. Et vous ? »

La saluer, la féliciter… Va pour ça. Ça passe encore. Et sa dernière interprétation – Firework – était juste… Epoustouflante. Mais malgré tout, je lui avais même proposé un verre. Moi, pourtant d’une timidité chronique, maladive, tout ce que vous voulez, la petite mutante soumise et effacée, j’avais proposé un verre à une totale inconnue. Bon, qui ne l’était plus tant que ça puisque j’avais à présent son prénom ; Chelsea. Je lui adressais un sourire à la fois gêné et ravi, en l’invitant à prendre place, avant de lever la main pour arrêter la serveuse. Je me commandais un cocktail (du… Mojito, il me semble), soyons folle, et laissait Chelsea choisir ce qu’elle voulait. Je sentais que j’en aurais besoin, d’un peu d’alcool…

… Je me dévergondais, je crois. Vraiment. Il fallait que j’écoute Bobby et que je revois mes fréquentations. Mais pas tout de suite : déjà, la serveuse nous amenait nos verres, plus rapide que jamais (et peut-être soulagée ou étonnée de me voir soudainement réagir). Je levais légèrement mon verre en direction de Chelsea :

« A votre prestation ! »

Et j’en prenais une gorgée avec un sourire. Il ne fallait pas que je fasse comme toujours, sinon j’allais de nouveau m’enfermer dans mon habituel silence, timide mais attentif, et… J’aurais l’air bien idiote. Je l’avais invité à prendre un verre, certainement pas pour l’observer sans dire un seul mot. Ce serait étrange… Pourquoi je passerai moi, après ?... Voyons Rahne. Réfléchit un peu. Que disait-on dans ces cas-là ? Quelles questions poser ?

« C’est votre métier ? »

Je finis par lui poser cette question, notant qu’elle n’avait néanmoins pas l’air beaucoup plus vieille que moi. Mais elle avait déjà eu l’air si assurée, si bien, si elle-même sur cette scène… Je lui enviais un peu cette assurance. Même pour parler de Shakespeare, de Blake, ou de Fitzgerald… De littérature en générale, je n’oserai jamais tenir une conférence ou débattre, même en connaissant mon sujet sur le bout des doigts.

« Ou peut-être est-ce une passion ? Je ne travaille pas encore, encore étudiante. »

Parler, parler. Un minimum. Et prendre une gorgée de Mojito, au passage.