“Come on, give me one good reason not to jump in the lake.”
...
« Aller, donne-moi une bonne raison de ne pas sauter dans ce lac. »
Les lèvres de Stephen s’étirèrent en un fin sourire tandis que Tommy se tenait au bord d’un rocher, près à plonger dans l’eau. Est-ce qu’il était réellement en train de le mettre au défi d’y plonger, ou attendait-il seulement que Stephen lui explique point par point pourquoi il valait mieux éviter de sauter dans ce lac… En dépit de l’eau claire et du beau soleil qui brillaient au-dessus de leur tête. Cet endroit était pourtant un lieu privilégié pour le mutant : perdu au milieu d’une forêt, et plus un étang qu’un lac à vrai dire, ils étaient certainement les seuls à venir s’y prélasser. Avec, certes, quelques animaux sauvages qui pouvaient passer par là. Rien qui ne les empêche de se baigner, en somme : c’était même plutôt le contraire.
Alors quelle raison pouvait-il donner à sa moitié pour lui refuser un petit bain ? Il le voyait dans les yeux amusés de Tommy, au moins aussi rieur que les siens, que celui-ci le mettait en effet au défi. Stephen le relevait en s’approchant de lui. Lui dire que, bien des années plus tôt, quand il n’était même pas neurochirurgien, sa sœur s’était noyée et qu’il avait cherché son corps des heures durant ? Non. Traumatiser Tommy était bien la dernière chose qu’il voulait faire. Heureusement pour lui, le mutant ne pouvait pas se noyer, et cela lui évitait bien des soucis.
« On pourrait faire autre chose. »
Tommy arqua un sourcil, un léger sourire en coin s’étirant sur ses lèvres. Il croisa les bras, ayant l’air d’y réfléchir, tandis que le Sorcier s’approchait doucement de lui. Le mutant le jaugea, l’observa d’un regard appréciateur, le laissant venir à lui avant de rire doucement en rouvrant ses bras pour les poser sur les épaules de Stephen ;
« On peut faire autre chose n’importe quand et n’importe où, mon cœur. Alors non, ce n’est pas une bonne excuse, désolé. »
Avant qu’il n’ait pu réagir, Tommy avant enlacer la taille de son compagnon et l’avait serré contre lui, avant de sa laisser tomber en arrière du rocher, dans l’étang. Etang qui n’était pas très profond, dont la température de l’eau avant l’avantage d’être agréable. Stephen sorti promptement la tête de l’eau en lançant un regard torve à la sirène, avant de s’adoucir ;
« Et si je voulais lire tranquillement dans l’herbe, hein ? - Il fallait préciser ? » pouffa Tommy en nageant doucement autour de lui, l’emprisonnant dans ses bras et sa queue de sirène pour lui voler un baiser : « Aller, profite un peu de l’eau. Je te promets qu’on n’y restera pas longtemps ! »
Stephen secoua légèrement la tête avec un sourire, sachant pertinemment que ce serait lui qui les ferait sortir de l’eau lorsqu’il commencerait à avoir froid, alors que Tommy y serait certainement resté encore plusieurs longues heures… Mais en attendant, maintenant qu’il y était, autant y rester un peu.
“We’re going to be late if we don’t leave like 5 minutes ago.”
...
« On va être en retard si on ne part pas dans cinq minutes... »
Tommy se figea en haut des escaliers, avant de baisser les yeux vers Stephen : « Tu te moques de moi ? - Non, pas du tout. Dépêche-toi, chéri. - Il se moque de moi ! » soupira Tommy d’un air excédé en faisant rouler ses yeux dans leur orbite.
Wong, qui avait croisé les bras, semblait sur le point de répondre par l’affirmative à Tommy, mais préféra ne rien dire. Le mutant, bien que toujours élégant, ne l’avait jamais autant été. Il portait un costume deux pièces gris, de coupe étroite, en laine douce. Il portait en dessus une chemise d’un bleu très clair et, entre la chemise et la veste fermée par deux boutons, une cravate d’un bleu plus profond. Cela faisait ressortir ses yeux bleus plus que d’habitude, et soulignait les traits de son visage, tout comme sa coupe de cheveux qui illuminait le tableau. Les joues du mutant s’empourprèrent légèrement tandis qu’il descendait les escaliers tandis que Stephen posait un regard assez fier sur lui. Même si la perspective de cette soirée n’enchantait pas spécialement le Sorcier, il y avait une part de lui qui était heureux de pouvoir se pavaner avec son homme et dire au monde que ce mutant sirène lui appartenait. Et, cette fois, il ne comptait pas le lâcher : aucune chance de Tommy finisse ivre et exposé à toutes propositions ou techniques de dragues. Parce que c’était sa soirée, celle de la promotion de l’Eau de Sirène – merci Tony. De toutes manières, entre Stephen et Wong, l’océanologue ne risquait pas grand-chose.
« Allez Tommy, on va vraiment finir par être en retard. - Mais c’est toi qui traîne depuis une heure ! J’ai juste oublié un petit truc parce que j’aidais monsieur à se décider, et c’est à cause de moi qu’on va être en retard… - Exactement. Allez, donne-moi la main. On y va. »
Tommy secoua doucement la tête. L’amusement au fond du regard de Stephen était perceptible, autant que le léger stresse du mutant, qui hésita un instant avant de prendre la main du Sorcier.
« … Ou peut-être qu’en fait, tu ne veux pas y aller ? - Je… Non ! Quoi, pardon ?... - Je dis juste que, peut-être, inconsciemment, tu refuses de t’y rendre. Parce que… Je ne sais pas, moi. Tu as peur du regard des autres, parce qu’ils sont là pour le parfum et pour toi, parce que tu es pudique ? - … Je tiens ta main, Stephen. Si tu ne nous téléporte pas, on va vraiment finir par être en retard. - On n’est pas obligé de… - Non, mais il le faut. Allez, chéri, s’il te plaît. »
Wong se racla légèrement la gorge, et Stephen détourna quelques instants le regard de Tommy pour le poser sur son majordome, avant de serrer doucement la main du mutant dans la sienne, autant qu’il le lui était permis. Au fond, c’était peut-être lui qui voulait retarder l’échéance. Il n’aurait pas été contre fêter ça tout seul chez eux, dans le Sanctum Sanctorum, mais… Tommy se hissa sur la pointe des pieds pour lui voler un baiser avec un sourire tendre, et Stephen le couva du regard avant de finalement les téléporter, juste à temps pour entendre le « Tommy Summerfield, notre égérie, océanologue de talent et – surtout – dompteur de Sorcier » de Tony, qui fit pincer les lèvres de Stephen tandis que son petit-ami lui échappait déjà pour se dépêcher de rejoindre l’Avengers. Si Wong avait un très léger sourire, amusé, Stephen fit la moue en croisant les bras. Il n’appréciait pas spécialement de voir son homme s’exposer ainsi, pas plus que la réflexion qu’avait eue Tony.
Tommy s’était dépêché de rejoindre son ami sur l’estrade, les joues rougies. Il avait l’habitude de se tenir devant autant de personne, ce n’était pas ça qui le rendait nerveux : il avait déjà tenues plusieurs conférences ou discours lors de réceptions, et c’est d’ailleurs à l’une de ces réceptions qu’il avait rencontré Stephen, mais… Il n’était encore jamais monté sur scène devant qui que ce soit parce qu’il avait été le modèle pour une publicité de parfum. Surtout que cette publicité avait été faite plus ou moins contre son gré : ce qu’il pensait être un simple amusement entre ami s’était révélé être bien plus sérieux qu’il ne l'aurait cru. Il restait aux côtés de l’Avengers avec un petit sourire à la fois fier et nerveux, mais restait calme et maître de lui-même.
Plus ou moins comme Stephen, qui avait aperçu la collègue blonde de Tommy qui lui avait déjà fait des avances, il y avait quelques temps de cela. Il se tourna vers Wong pour le prévenir, mais celui-ci avait déjà disparu : en réalité, le majordome du Sanctum Sanctorum n’avait pas perdu son temps, et s’était éclipsé dès qu’il avait pu, pour aller rejoindre le buffet. D’ici, Stephen le voyait entouré de plusieurs demoiselle avec qui, vraisemblablement, il buvait du champagne. D’accord. Très bien. Parfait. Stephen regrettait déjà presque d’être venu ici, abandonné à la fois par son homme et par son ami/majordome, et se mit donc en tête de surveiller Janet – la blonde. Il la suivait donc de loin, l’air de rien, tout en ne cessant jamais de garder un œil sur son mutant. Sa petite sirène était beaucoup trop exposée à son goût, mais soit ; il avait une nouvelle mission. Intercepter Janet avant qu’elle n’atteigne Tommy.
« Oh, Madame ! Je ne m’attendais pas à vous voir ici. - Oh, euh… Stephan, c’est ça ? Ravi de vous voir. »
Stephen ne l’était pas tant, et il essaya de se montrer le moins crispé possible. Ce qui n’était pas facile, il devait bien l’avouer. Il ne manquait plus que Brittany soit de la partie, et ce serait « l’éclate totale », comme disaient les jeunes de nos jours. Le Sorcier se força à lui sourire en répondant :
« Stephan, oui… Enfin presque… Qu’est-ce qui vous emmène ici ? - Tommy bien sûr ! - … Tommy ? - Evidemment, c’est mon collègue, et je ne raterai ça pour rien au monde, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance d’approcher un mannequin. »
Elle pouffait. Elle pouffait, et Stephen serra les dents : elle se moquait de lui, là, non ? Elle ne venait pas de lui avouer sans détour qu’elle était là uniquement pour Tommy, parce qu’il se trouvait que Tommy était plus attirant qu’on ne le pensait ? Quoi que cela avait toujours été son but : récupérer l’océanologue de talent pour elle. Janet ne s’en était jamais vraiment cachée, d’ailleurs, et un vague et rapide tour dans son esprit lui apprenait que cela n’avait pas changé. Elle était toujours là pour ça, et Stephen ne put se retenir de se passer une main sur le visage, restant calme. La femme lui sourit poliment, avant de lui offrir un sourire hypocrite, tellement éloigné des doux sourires de sa sirène :
« Vous êtes fiancé ? Félicitations ! Qui est l’heureuse élue ? »
Stephen manqua de s’étouffer. Tout seul, sans rien. S’il n’était pas maître de lui-même, une incompréhension des plus totales se lirait très certainement dans son regard, tandis qu’il se demandait si elle faisait exprès, ou non. Apparemment, non. Quelle cruche…
« Tommy. - … Tommy ? - Oui, Tommy. - Mais… » Elle semblait tomber de haut, ce qui était jouissif pour Stephen. « Ce Tommy-là ? - Oui, Tommy Summerfield, qui va bientôt devenir Tommy Strange. - C’est impossible qu’il soit votre fiancé. - Pardon ? - Vous vous moquez de moi… Non ? »
Le regard noir que lui lança Stephen, soudainement profondément vexé autant pour lui-même que pour Tommy, la dissuada de réitérer sa question. Cela la dissuada même d’aller voir son collègue, que Tony relâchait enfin. Elle disparut rapidement, pâle, tandis que Stephen serrait doucement ses poings en prenant de grandes inspirations pour retrouver son calme.
« Chéri ? »
Tommy parvint, au bout de quelques minutes, à se frayer un chemin au milieu de la foule jusqu’à son homme.
« Je te laisse dix secondes pour décider si on rentre immédiatement ou non. - … Non ? » répondit précipitamment Tommy.
Le Sorcier Suprême soupira légèrement, avant de glisser un bras autour de la taille de Tommy. Il aurait dû s’en douter, il ne pouvait pas l’arracher à ce genre de soirée à chaque fois dès qu’il en avait envie. Surtout que, ce soir tout particulièrement, on remarquerait la disparition de Tommy, et Stephen ne tenait pas à faire de vague – surtout pas autour de sa sirène.
« Alors je ne te lâche plus. - Huhum, ça ne me dérange pas. - Janet ne croyais pas que nous étions fiancés. » Il s’en voulait un peu de gâcher le sourire tendre de son futur mari, mais il ne pouvait pas rester vexé sans lui expliquer pourquoi ; Tommy serait capable de penser que c’était de sa faute. « Elle est partie, je crois qu’elle a été déçue, et j’ai été terriblement vexé. J’ai hésité à la balancer dans la dimension noire. »
Tommy secoua légèrement la tête, avant de venir déposer un léger baiser au coin de ses lèvres.
« Bien sûr qu’on est fiancé, oublie ce qu’elle a dit, chéri. Profitons juste de la soirée, d’accord ? On ne rentrera pas tard, promis. - Hum… »
Stephen grogna mais hocha doucement la tête. Tommy avait raison, au fond : ils étaient fiancés, elle n’y pourrait rien. Mais tout de même. Il se pencha légèrement pour embrasser le mutant sur le front, avant d’aller attraper deux flutes de champagnes.
« Tu as perdu Wong ? - Il m’a abandonné dès qu’il a pu, pour aller boire du champagne en bonne compagnie. - … Non ? - Si, si. »
Stephen indiqua l’endroit où était – encore – Wong d’un léger signe de tête, que Tommy suivit du regard avant de pouffer un peu, étonné. Il serra doucement la main du Sorcier dans la sienne, avant d’esquisser un grand sourire :
« Profitons-en pour aller voir Vincent, le temps que tu sois calmé. Il sera content, et on profitera de la soirée après. - Je ne sais pas si… - Mais si, allez, viens mon chéri. »
Stephen secoua légèrement la tête avec un sourire, et se laissa entraîner. Après tout, Tommy connaissait certainement l’Aquarium mieux que quiconque, et même si une partie des lieux étaient aujourd’hui envahit pour cette soirée de promotion de l’Eau de Sirène (quel meilleur endroit pour faire cette soirée que l’Aquarium de l’égérie ?), il était un peu comme chez lui. Autant se détendre un peu, pour une fois, et passer une bonne soirée.
Tommy cligna des yeux. La panique qui se reflétaient dans ceux de Stephen étaient visibles – fait notable. C’était rare que ses sentiments se reflètent autant dans son regard, et le mutant ne compris tout d’abord pas. Cela lui fit mal au cœur, lui tordit le ventre d’inquiétude, et il se rapprocha de lui en quelques enjambées pour poser une main sur sa joue ; le Sorcier avait l’air hagard et perdu. Wong avait arqué un sourcil, un peu en retrait. Son regard pesait sur le couple : il attendait de voir le fin mot de cette histoire. Beaucoup de vent pour rien, mais Stephen était fatigué – il avait pas mal chassé le démon ces derniers jours – et sans doute avait-il oublié.
« Il faut que j’y aille, soulmate. J’suis obligé... - Non… Reste avec moi… - Stephen… »
Tommy se mord la lèvre en prenant doucement son visage entre ses bras, caressant doucement ses joues du pouce. Il ne comprenait pas pourquoi autant d’alarme. Il se hissa doucement sur la pointe des pieds pour l’embrasser tendrement, et le Sorcier l’emprisonna entre ses bras.
« Ne me quitte pas, Tommy. Je t’aime, ne pars pas… - Mais, Stephen, je… »
Le jeune mutant compris, soudainement, et fini par esquisser un léger sourire, continuant de caresser son visage en le détaillant tendrement. Il laissa son sac à dos tomber le long de son épaule sur le sol, et se blottit contre lui en soupirant un peu.
« Je dois partir au labo, soulmate. A l’Aquarium. Pour l’expédition. C’est aujourd’hui. »
Stephen cligna des yeux, avant de se détendre légèrement. Si ce n’était que l’expédition – si Tommy n’était pas en train de le partir aka de le quitter. La panique et le début de tristesse qui commençait à se refléter dans son regard disparurent pour ne laisser place qu’à un léger trouble. Il était rassuré, largement, mais ne voulait pas non plus qu’il s’éloigne de lui. Même s’il pourrait lui rendre visite. Il était fatigué, tout ce dont il rêvait s’était de s’endormir dans les bras de son fiancé et se reposer blottit contre lui, mais on lui interdisait même ça.
« Tu as l’air épuisé, chéri… Ecoute, je veux bien prendre encore un tasse de thé avec toi, mais après il faudra vraiment que j’y aille. Faut que je bosse un peu, quand même. - Moui… Merci, chéri. »
Tommy secoua légèrement la tête tandis que Wong s’était déjà éclipsé pour préparer le thé pour les deux tourtereaux. Il fit glisser ses doigts le long des bras de Stephen pour prendre doucement ses mains, et l’entraîner vers le salon.
« Tu m’accompagneras ? Et tu viendras me voir, hein ? - Evidemment. Le bateau part à quelle heure ? - Dans la matinée, tôt, au lever du jour. Il faut y être avant. » s’empressa de rajouter le mutant, prévoyant.
Stephen parut réfléchir quelques instants, ayant attiré Tommy près de lui, un bras passé autour de sa taille. Il remercia Wong lorsqu’il leur apporta le thé, et prit sa tasse pour la porter à ses lèvres, se délectant de sa première gorgée avant de finalement reprendre la parole :
« Reste avec moi, s’il te plaît. Je t’emmènerai encore plus tôt, demain matin, mais je suis fatigué, avec ce qui s’est passé ces derniers jours, et j’aimerai vraiment pouvoir juste dormir et me reposer une dernière fois dans notre chambre, avec toi, avant que tu partes. »
Tommy allait attraper sa tasse, mais s’arrêta quelques secondes, surpris, avant de terminer son geste. Il détailla Stephen en prenant une gorgée de thé, délicieux comme toujours, hésitant. Evidemment, il en avait grandement envie. Surtout qu’il s’embarquait pour une nuit blanche à ne pas faire grand-chose hormis discuter de manière très expressive avec ses collègues, et rattraper sa nuit durant la journée de voyage le lendemain. Et, généralement, il n’y avait pas qu’une journée de voyage. « Tommy… S’il te plaît. »
Le ton de Stephen, l’expression au fond de son regard, ses cernes et la fatigue que Tommy ressentait – savait… Il pinça les lèvres et soupira légèrement, parce qu’il en mourrait lui-même d’envie.
« D’accord, d’accord… Mais promets-moi de m’y emmener à l’heure ? - Je te le promets. - Je t’aime, Stephen… - Moi aussi je t’aime, Tommy… »
“I’m trying very hard not to see all this as a metaphor for my life.”
...
« J’essaie vraiment fort de ne pas voir tout ça comme une métaphore de ma vie… » il y eu un silence un peu gêné, avant que Wong ne reprenne : « Maître. Monsieur. »
Tommy et Stephen échangèrent un regard, surpris par le ton et l’air courroucé du majordome. Aucun des deux hommes ne comprenait pourquoi, soudainement, on les assassinait du regard. Ils n’avaient fait que débattre d’Arthur Conan Doyle, de Watson par rapport à Sherlock. Et, de toute évidence, le tibétain s’était senti concerné, d’une manière ou d’une autre. Restait à savoir comment, et pourquoi. Devant le silence qui accueillit la déclaration de Wong, celui-ci ne sembla pas se calmer. Mais ce qui était terrible, avec lui, c’était que sa colère n’était pas explosive : elle était calme. Il restait calme. Sa colère était froide et se voyait uniquement au fond de son regard – et il reprit : « Aucune reconnaissance dans le travail, se croit au-dessus de tout le monde, ne se rend pas compte d’à quel point son comportement peut être invivable, terriblement intelligent autant qu’il peut parfois être terriblement aveugle et borné, ça ne vous rappelle personne ? - Non ? » répondit Stephen « Explicite ? - Il se trouve que je connais le même genre de connard qui ne m’a d’ailleurs jamais donné de vacances. Mais je remercie Monsieur d’avoir adoucit ses mœurs, la vie est plus douce depuis quelques temps. - … Moi ? - Vous, maître. Bien que vous vous soyez arrangé. Quelque peu. - Tu ne lui as jamais donné de vacances ? - Non, mais Tommy, s’il te plaît- - Comme beaucoup de choses… Maintenant, s’il vous plaît, je vais retourner à mes taches. »
Le « mais quand c’était pour s’occuper de vous, Monsieur, ce n’était pas grave » resta bloqué au fond de la gorge du majordome, qui ne voulait pas que Tommy s’en veuille pour certaines choses sur lesquelles il n’avait pas le contrôle, ou dont il n’avait pas connaissance.
« Stephen ! Il mérite des vacances ! - … Il en a. Quand on part au Tibet, par exemple. - Dis-moi que tu te moques de moi… - Eh… Non ? - Oh, chéri… Et tu t’étonnes de ce qui vient de se passer ? Donne-lui des vacances. »
Tommy secoua légèrement la tête. Il comprenait qu’être le sidekick du Docteur Strange n’était pas forcément de tout repos – si maintenant Stephen lui semblait plus patient, voire moins ronchon lorsqu’il n’était pas fatigué ou de trop mauvaise humeur – il avait eu un aperçu de l’emmerdeur qu’avait pu être le Sorcier. Il saluait la patience du majordome, et sa capacité à savoir secouer Stephen lorsqu’il le savait. Stephen secoua légèrement la tête ; « D’accord, d’accord, il aura ses congés… »
Tommy vint le remercier d’un baiser, un sourire ravi au visage. Stephen lui répondit d’un léger sourire en l’enlaçant, tout en pensant qu’il lui faudrait également remercier Wong plus souvent. Après tout, il avait sa place plus que n’importe qui d’autre dans cette maison, et il avait été d’une aide précieuse bien des fois… Et à propos de bien des choses.
« S’il te plaît, dis-moi que tu sais comment désamorcer une bombe. »
Tommy jeta un coup d’œil par-dessus son livre, et Wong releva la tête de ses tasses de thé vide qu’il s’apprêtait à remporter dans la cuisine et, après avoir jugé de la situation, se dit que c’était de toute manière ce qu’il y avait de mieux à faire. Le mutant marqua quant à lui un léger temps d’arrêt, remettant le marque-page au milieu de son livre avant de le refermer et de le poser sur le guéridon, le tout sans lâcher le Sorcier du regard, qui… Se tenait appuyé langoureusement dans l’embrasure de la porte, coude calé contre le bois et bras replié derrière la tête. Tommy n’était pas tout à fait certain de ce qu’il attendait de lui. Pas tout à fait. Désamorcer une bombe ?
« Je ne suis pas sûr de savoir… »
Stephen quitta la porte pour s’approcher de Tommy. On aurait dit un prédateur avançant lentement vers sa proie, chacun de ses pas et de ses mouvements calculés pour être tout simplement parfait et atteindre, au bout du compte, leur cible.
« Je suis comme une bombe atomique sur le point de – oh ? – exploser. »
Tommy arqua un sourcil, laissant un fin sourire s’étirer sur ses lèvres tandis qu’il se redressait légèrement dans son fauteuil, abandonnant la position assis/allongé qu’il avait prise pour lire. Un peu de tenue devant son fiancé qui semblait chaud comme la braise, et qu’on aurait pu appeler Mr Fahrenheit tant il devait approcher des 200 degrés.
« Oh ? Tu veux faire de moi un homme supersonique ? »
Le Sorcier s’arrêta quelques secondes, laissant une étincelle amusée traverser son regard. Il semblait vouloir dire « exactement » mais ne prononça aucune parole durant un petit moment : du moins, pas ces paroles-là.
« Je suis une fusée lancée en direction de Mars, pour y entrer en collision. Je suis hors de contrôle. - Tu brûles dans le ciel, uh.» soupira Tommy à son oreille lorsque Stephen fut assez près.
Il avait posé ses mains sur chacun des accoudoirs du fauteuil, emprisonnant son amant. Un doux piège qui se refermait sur le mutant qui le regardait avec passion, tandis que Stephen se penchait lentement, en douceur, pour venir glisser à son oreille :
« Ne m’arrête pas maintenant, je vais passer du bon temps et je n’ai aucune envie de m’arrêter… »
Tommy se mordit la lèvre avec un sourire amusé, laissant échapper ce petit gloussement si particulier que Wong pouvait identifier entre tous les autres et qui signifiait clairement qu’il n’avait aucun intérêt à se trouver dans la même pièce que les tourtereaux à ce moment-là. Lorsqu’il osa pourtant s’approcher de la porte du salon pour aller ranger le service à thé, il n’entendit qu’un « Je suis une machine s- » qui lui fit marquer un arrêt, mais lorsqu’il entra dans la pièce, les futurs mariés avaient déjà disparus, certainement partis s’isoler sur leur île ou un endroit de ce genre « don’t stop them now they’re having such a good time » . Le majordome soupira légèrement en secouant la tête, mais un léger sourire ravi apparu sur son visage.
« Freddie Mercury doit parfois se retourner dans sa tombe » lâcha-t-il pour lui-même en rangeant la vaisselle.
“Where have you been, I was ready to call the police!”
...
« Ou est-ce que tu étais, j’étais prêt à appeler la police ! - Et qu’est-ce que la police aurait fait ?... - Je ne sais pas, mais j’aurai été un peu plus rassuré. »
Stephen dégoulinait, littéralement, aussi bien d’eau que de sang. Dehors, il pleuvait à verse, et le tonnerre faisait rouler sa grosse voix dans le ciel en crachant ses éclairs. Tommy et Wong s’étaient précipités à la rencontre du maître des lieux, qui tenait difficilement debout, et le mutant le soutenait tandis que le majordome s’occupa d’abord de le débarrasser de la cape trempée. Stephen lâcha un soupire en glissant son regard sur Tommy. Il avait le visage rougit, des cernes marquées, et devait avoir pleuré. Il savait qu’il aurait dû le prévenir. Un petit message télépathique, à lui ou à Wong, pour leur dire de ne pas s’inquiéter : il le connaissait, pourtant. Il n’y avait pas pensé, trop occupé de son côté par ses devoirs de Sorciers Suprême : ce que Tommy comprenait aussi. Mais, quand même !
« Deux jours et demi, Stephen. Deux jours qu’on n’a pas eus de nouvelles. - Je sais, mais, je n’ai pas pu… - Tu m’avais dit que ça ne te prendrais pas plus de trois ou quatre heures ! - Tommy… - Je sais, je sais. Je comprends, je ne t’en veux pas, mais… J’ai eu peur… »
Stephen esquissa un léger sourire, un bras rabattu contre son torse, l’autre passé autour des épaules de son fiancé. Ils se dirigeaient vers le canapé, jusqu’à ce que les jambes de Stephen cèdent sous lui et qu’il ne manque d’emporter Tommy dans sa chute. Wong arriva à temps pour les retenir, et aida l’océanologue à mieux supporter le poids – presque mort – du corps du Sorcier, le laissant reprendre le chemin du salon :
« Je vais chercher de quoi le nourrir et le requinquer. Il est épuisé, je ne sais pas ce qu’il a combattu mais visiblement il a bien vidé ses réserves. Occupez-vous donc de ses blessures, Monsieur. »
Tommy hocha la tête sans rien ajouter de plus, aidant Stephen à s’asseoir sur le canapé. Il prit doucement son visage pâle entre ses mains, plongeant son regard céruléen dans celui, gris métallique, de son âme-sœur. Un air triste déforma les traits harmonieux de son visage, tandis qu’il l’abandonna quelques instants pour courir chercher la trousse de premiers secours qu’il avait rangé dans l’entrée, justement en cas de situation de ce genre. Plus rapidement et facilement accessible. Lorsqu’il revint, Wong avait déjà ramené un bol de… Grog, certainement. Grog amélioré, quelque chose de ce genre – Tommy ne voulait pas vraiment savoir ce que c’était, il vouait une confiance aveugle à Wong lorsqu’il s’agissait de s’occuper de Stephen.
Ce fut un vrai travail d’équipe alors que Stephen semblait peiner pour rester conscient. Tommy déshabillait Stephen pour constater l’étendue des dégâts – entre contusions et plaies, il avait de quoi faire – tandis que Wong s’appliquait à lui faire avaler la drôle de boisson, puis le forcer à manger un peu. Tommy admirait le majordome plus encore que d’habitude, imaginant qu’il devait faire ça, seul, avant qu’il ne vienne vivre ici. Un léger grognement alarma le mutant alors qu’il terminait de recoudre la dernière blessure, la pansant avant d’accorder totalement son attention aux bruits que faisait à présent le Sorcier. Il était revenu à lui, c’était déjà ça.
« Ne gaspille pas tes forces, soulmate… Tu as besoin de repos. - Veux un câlin… - J’ai peur de te faire mal. » glissa doucement Tommy en caressant doucement son visage, arrangeant quelques mèches de ses cheveux noirs ébènes encore humides, avant de glisser un doigt sur ses mèches blanches. « Je ne sais pas qui t’as fait ça, mais il ne t’a pas raté… - M’en fout. Besoin d’un câlin. »
Tommy sourit légèrement, et le pris délicatement dans ses bras après avoir jeté un coup d’œil à Wong. Mais celui-ci avait déjà récupérer la vaisselle et la trousse de premiers soins pour ranger tout ça. Stephen puisa dans ses dernières réserves pour les téléporter dans la chambre, ce qui fit couiner sa sirène :
« Stephen ! N’abuse pas ! - Je n’abuse pas, regarde… Plus qu’à dormir, à récupérer des forces… Avec toi. - Hum… »
Tommy soupira légèrement, secouant la tête. Il ne pouvait pas lui résister, mais il avait eu peur, et s’inquiétait encore un peu. Il avait besoin de repos, évidemment, et le mutant n’allait pas l’en priver. Au contraire. Il se déshabilla rapidement avant de le rejoindre dans le lit, et l’enlaça délicatement. Stephen ne se priva pas, de son côté, de venir se blottir et se caler convenablement contre son fiancé, faisant frémit ce dernier qui avait juste peur de lui faire mal.
« Tu travailles, demain ? - Oui, mais… - Tu peux rester avec moi quand même, tu penses ? Au moins le matin… - Bien sûr, soulmate. »
Tommy sourit doucement en embrassant son front, délicatement. Stephen tendit un peu le cou pour venir chercher un vrai baiser, chose qui lui avait été jusqu’à présent refuser à cause de l’état dans lequel il était rentré. Tommy le lui offrit, délicatement, avant qu’il ne se cale à nouveau convenablement contre lui. Ils ne tardèrent pas à s’endormir, tour à tour ; le Sorcier épuisé puis la Sirène qui se laissa bercer par les battements du cœur de son homme, enfin rentré à la maison.
“No, the house is definitely not haunted, why do you ask?”
...
« Non, la maison n’est définitivement pas hanté. Pourquoi tu demandes ? »
Comment expliquer qu’il n’était pas sûr de ce qu’il pouvait dire ou avancer, mais qu’il avait l’impression d’une présence qui n’était ni lui, ni Stephen ? Quand le grand maître des arts occultes, le Sorcier Suprême, vous dit que non, la maison n’est pas hanté, le plus logique serait tout de même de le croire.
« Je… Pour rien. - Tommy, tu ne poses jamais trois fois la même question "pour rien". »
Tommy ouvrit la bouche, avant de la refermer. Il n’avait rien à répondre à cela, de toute façon déformer la réalité ne servait à rien avec Stephen. « Déformer la réalité » parce que oui, le mutant ne mentait jamais à son fiancé. Il n’admettait pas que dire qu’il n’y avait rien quand il croyait à une illusion soit un mensonge. Ce genre de petites omission était courante – et largement pratiquée par le Sorcier lorsqu’il espérait que Tommy ne se rende pas compte qu’il était blessé, par exemple. Mais l’océanologue avait ses propres super-pouvoirs, et ce genre de chose ne lui échappait que rarement. Il finit par soupirer légèrement :
« Non, je pensais que… Je pensais avoir senti quelque chose. Ce n’est sûrement rien que la brume, dehors, il pleut depuis ce matin. - Huhum. Nous sommes en Ecosse, chéri. Le pays de la pluie, et des fantômes. Mais, non, cette maison n’a rien d’hanté, je te l’assure. Ce n’est pas le Saint des Saints, ici. »
Tommy esquissa un sourire amusé en revenant se pendre à son cou. Stephen avait raison, il devait se détendre, un peu. Il n’avait pas eu une semaine facile : beaucoup de monde, un aquarium malade, et si tout était finalement rentré dans l’ordre, ses nerfs avaient été un peu usés. Il se sentait presque prêt à pleurer pour rien ou à sursauter au moindre bruit. Tout ce dont il avait besoin, c’était de son homme, de calme et…
« Un massage ? - Uh ? »
Stephen avait déjà attrapé ses épaules, délicatement, et le poussait vers le canapé. Oui, c’est vrai qu’à la réflexion, Tommy avait bien besoin d’un massage. Le Sorcier pensait décidément à tout, et Tommy laissa échapper un petit roucoulement lorsqu’il sentit les mains de son fiancé entre ses épaules nouées.
« Je suis désolé, je ne peux pas trop appuyer… - C’est parfait, soulmate. Tu es parfait. »
Un sourire en coin, un peu fier, étira les lèvres de Stephen. Faire plaisir à Tommy était un peu un péché mignon : depuis qu’il avait appris à le faire, il adorait. Il y avait quelque chose de reposant à avoir à penser à autre chose que soi-même et ses obligations de Sorcier Suprême, à savoir qu’il y avait quelqu’un qui attendait impatiemment votre retour. Surtout parce qu’il savait qu’il s’agissait de la bonne personne. Pourtant, malgré tous ces bons soins, le mutant fit un bon en s’accrochant à lui :
« J’ai vu un truc là-bas, Stephen, je te le jure ! »
Le Sorcier cligna des yeux, avant de repousser doucement son compagnon :
« Je vais aller voir, d’accord ? Reste ici. »
Tommy hocha la tête ; il n’allait pas se faire prier. Il avait replié ses jambes sur le canapé, bras croisé autour, menton posé sur ses genoux, et regarda l’homme de sa vie se lever fièrement pour aller voir dans la direction indiquée. Il avança dans le couloir, à pas feutrés, avant de se figer. Le mutant dressa le cou pour tenter de voir ce qu’il se passait ; malheureusement, il ne voyait pas grand-chose. Trop loin, trop sombre : Stephen n’avait pas pensé à allumer la lumière en s’y engageant.
« Tommy. »
La voix du Sorcier résonna dans la pièce, grave – et le mutant en frémit.
« Oui ? - C’est ton chat. - … Pardon ? - Walden, c’est Walden ! Il a dû s’accrocher à nous, je ne sais pas, mais c’est lui ! »
Stephen revint vers lui, le chat tenue à bout de bras. Walden semblait avoir un air fier autant que blasé – sans doute hésitait-il entre ces deux émotions, à la fois fier d’avoir réussi à se faufiler en Ecosse au nez et à la barbe de ses maîtres… Autant qu’agacé d’avoir finalement été trouvé. Un soupire de soulagement échappa à Tommy, avant qu’il ne tende les bras pour attraper le chat :
« Eh matou ? - C’est un démon, ce chat. Je le ramène à la maison. - Le pauvre petit… - Mieux vaut qu’il râle avec Wong plutôt qu’il risque de se perdre en Ecosse, non ? »
Quoi que le perdre en Ecosse n’aurait pas déranger Stephen, il laissa son fiancé papouiller le chat avant de le reprendre délicatement. Ils disparurent tous les deux, sans doute le temps de s’en séparer – et de le faire lâcher prise. Tommy pouvait enfin se détendre, et il ferma les yeux en attendant le retour du Sorcier. Trois coups portés à la porte le firent pourtant couiner à nouveau. Il se leva, hésitant, et alla ouvrir non sans avoir lancé :
« Stephen, si c’est toi, ce n’est pas drôle du tout ! » Il ouvrit doucement, précautionneusement la porte. Tout semblait vouloir lui provoquer un arrêt cardiaque, aujourd’hui : il avait vraiment besoin de repos. « … Maman ?! - Eh oui mon petit cœur, c’est nous ! Tu nous as dit que tu passerais quelques jours en Ecosse, si prêt, tu comprends ! On n’a pas pu résister. Ne t’inquiète pas, on ne reste pas longtemps. - Hum, oui, d’accord… »
Tommy ouvrit un peu plus grand la porte, pour laisser ses parents rentrer, tandis que Stephen réapparaissait :
« Enfin tranquille, on va pouvoir… Oh… Madame, Monsieur Summerfield, bonjour… »
Il lança un regard inquisiteur à Tommy, mais l’air fatigué et presque désespéré de ce dernier lui fit comprendre que, non, ça n’était pas prévu au programme. Tant pis, il saurait s’en accoutumer… Mais la prochaine fois, il vérifierait tout à plusieurs reprises avant de partir, histoire de leur éviter trop de dérangement…
« Viens par-là maintenant, et apporte une bâche. »
Tommy écarquilla légèrement les yeux. Son rythme cardiaque s’était emballé et martelait sa poitrine autant que la pluie battait les pavés. Sa respiration était courte, se voulait silencieuse et, parfois, il en oubliait même d’inspirer. L’angoisse l’avait pris et semblait ne plus vouloir le lâcher. Il se sentait comme une proie, un lapin acculé au fond de son terrier par un regard glouton. Pire que lorsque Mordo en avait eu après lui et qu’il avait bien faillit le cramer vivant juste pour rappeler Dormammu. Un truc du genre. Mais à côté de lui, Brunnhilde n’était pas mieux. Elle avait passé un bras autour du sien, le maintenait fermement contre elle, et tenait une hachette dans sa main. Tommy sentait les pulsations cardiaques de la guerrière, qui n’était pas bien plus calme que les siens.
« Elle nous retrouvera, de toutes façon. Tu sais ce qu’elle va nous faire. »
Un éclair fit sursauter les deux amis, Tommy s’accrochant un peu mieux à elle. Ce n’était qu’un éclair, il devait se détendre ; un léger soupire lui échappa, avant qu’une femme n’apparaisse soudainement devant eux avec un cri strident ; Brunnhilde lança son arme pas réflexe – arme qui s’immobilisa à quelques centimètre de l’écran plant de la télévision tandis que Tommy criait encore. Wong lâcha un soupire en venant récupérer la hachette volante qu’il avait arrêté de justesse, en allumant la lumière du salon.
« Monsieur, Brunnhilde, je me vois contraint de protéger votre sommeil en vous privant de ce film. - Mais, Wong… - Et je protège également votre cœur, monsieur, comprenez bien que le Maître me ferait subir les pires châtiments s’il vous arrivez quelque chose. - Hum, quoi, pardon ? »
Stephen eut un petit mouvement de tête dans son fauteuil, reposant assez rapidement ses mains sur les accoudoirs en se redressant.
« … Tu dormais ? - Moi ? Non, évidemment que non. - Brunnhilde… Il dormait ! »
La guerrière cligna des yeux, le bras toujours tendu. Elle le replia lorsqu’elle s’en rendit compte, sortant de la transe dans laquelle le film d’horreur semblait l’avoir plongé – mais elle semblait aussi étonnée de voir que Stephen s’était… Endormi. Malgré l’orage, malgré le film, malgré leurs couinements et leurs cris. Le Sorcier eut une moue mi-agacée mi-gênée, et se leva en étirant sa silhouette élancée.
« Le film est terminé, alors une bonne tasse de thé, des petits gâteaux et au lit. - Stephen, je dor- - Non, Bru, tu ne peux pas. - … Wong, je peux dormir avec toi ? - Evidemment que tu peux dormir avec lui. »
Wong fit deux yeux bien ronds à Stephen, et alla dans la cuisine en soupirant pour leur préparer le thé sur un signe de menton de son maître. Tommy alla s’accrocher à son Sorcier en soupirant un peu. Décidément, les films d’horreur, ça n’était pas pour lui, il arrêterait d’écouter Brunnhilde et ses idées de soirée télé étranges…
« Je m’en fiche qu’il soit 2h du matin, on a besoin d’une tarte. »
Tommy se redressa sur un coude, dans le lit, avant de rouler sur le côté pour se retrouver perché sur Stephen. Son coude planté à côté de son visage, une jambe glissée entre les siennes, il le détaillait avec, au fond du regard, la flamme de la passion. La passion de faire une tarte à deux heures du matin passé. Si Stephen ne dormait pas encore (il avait le sommeil léger et… ils s’étaient couchés tard), il le fixait pourtant d’un air perplexe : ils avaient besoin d’une tarte oui, mais encore ? Tommy était-il infatigable les jours de pleine lune ? Et puis, était-ce la pleine lune ? Stephen l’aurait volontiers gardé avec lui dans le lit, et de force s’il le fallait, mais la détermination du mutant semblait impossible à calmer. Et son enthousiasme était assez contagieux, il fallait bien l’avouer.
« Tu es sûr que ça ne peut pas attendre demain ? » tenta Stephen d’une voix volontairement un peu faiblarde.
Mais Tommy ne se laissa pas avoir, et secoua la tête avant de laisser naître un large sourire innocent sur ses lèvres.
« Sûr. Il y a certaines choses qu’on ne peut pas repousser quand on en a envie… Les tartes en font parties. »
Stephen secoua la tête avec un sourire amusé, avant de se redresser à son tour pour lui voler un baiser et le pousser un peu. Avec un visage radieux, Tommy ne se fit pas prier pour sortir du lit et enfiler un boxer et un tee-shirt pour sortir de la chambre. Le Sorcier le regarda faire avec un léger sourire, avant de se couvrir d’un peignoir pour le suivre dans la cuisine. L’océanologue, qui s’improvisait pâtissier du dimanche (littéralement, puisqu’il était dimanche depuis exactement 2h47 à présent), avait déjà sorti tous les ustensiles dont il avait besoin. « Tu m’aides ? - Evidemment. - Tu peux attraper les pommes alors, s’il te plaît ? EH ! Je les pèle, fait pas ça magiquement, tu n’auras qu’à t’occuper de la pâte toi. »
Stephen marqua un temps d’arrêt, peu habitué à voir Tommy prendre les choses en main et donner des ordres – ou des semblants d’ordres. Cela l’amusa plus qu’autre chose, surpris en bien, et il s’attela donc à préparer la pâte tandis que Tommy épluchait et découpait consciencieusement les pommes. Au bout de quelques minutes, quand il eut terminé sa tâche, le mutant délaissa ses pommes pour voir comment s’en sortait son compagnon, piquant une cuillère pour goûter la pâte. Ce fut sans compter sur Stephen qui attrapa son poignet pour goûter avant lui, et s’amusait à esquiver la sirène pour ne pas lui rendre la cuillère, sous ses couinements outragés et son rire qui emplissait l’air.
« Maître ? »
Stephen et Tommy se tournèrent en même temps vers Wong, une cuillère coincée entre les lèvres du Sorcier que le mutant tentait de récupérer. Wong venait d’apparaître dans l’embrasure de la porte, magnifiquement vêtu d’un pyjama rayé horizontalement bleu et blanc, son crâne chauve couvert d’un bonnet de nuit assorti.
« Wong ? » répondit le maître des arts mystique.
Sans qu’il ait besoin de parler, le regard de Wong parcourant aussi bien la cuisine sens dessus-dessous que leur tenu – le peignoir de Stephen et le combo boxer/tee-shirt de Tommy – laissait clairement apparaître son interrogation : quoi, pourquoi ?
« On avait envie de tarte. » répondit Stephen de lui-même, arrachant un petit sourire tendre à Tommy. « On l’a presque terminé, mais tu veux nous aider ? »
L’hésitation se lut clairement dans le regard de Wong, durant quelques instants. Puis un petit sourire apparu sous ses cernes, amusé, et il finit par accepter. Après un selfie de Tommy pour Instagram d’eux trois en train de faire la cuisine dans des tenues ridicules à une heure tout aussi ridicule, et une fois que la tarte fut mise dans le four, ils décidèrent de jouer aux cartes en attendant de pouvoir déguster la tarte. Il était près de 5h lorsqu’ils sortirent la tarte du four, et 5h30 lorsqu’ils la dégustèrent enfin devant une série que Tommy et Wong avait l’ait très excité de regarder et que Stephen ne connaissait pas. Passé 6h, ils ne jugèrent plus bon d’aller au lit, et étaient de toutes manières bien trop pris par leur visionnage, Tommy étendu en travers du canapé, la tête sur les cuisses de Stephen qui avait glissé une main dans ses cheveux et le caressait machinalement et Wong installé – presque avachi – dans un fauteuil. Ils s’accorderaient tous sur le fait que cela faisait bien longtemps qu’ils n’avaient pas fait de nuit blanche, et Tommy se dit qu’ils devraient faire ça, un jour. Surtout que, la fatigue aidant, il avait réussi à arracher un « Tommy » à Wong, ce qui était une petite victoire pour le mutant.