Light the fire up in the night [UC]

  De la plus éclatante des lumières naissent les ténèbres les plus profondes. L’espoir, à force d’être trahi, finir par se changer en mépris. L’optimisme propre à l’enfance laisse place à la méfiance. Tout s’effondre avec le temps ; à la fin, seule la colère subsiste.

Le rose s’éteint de plus en plus à chaque nouvelle déception. À chaque nouvelle frustration. À la fin, il ne reste plus que du gris. À partir de là, l’être humain n’a que deux choix. Laisser le gris l’envahir, sombrer dans le vide, la dépression, rester blasé. C’est celui que font beaucoup en grandissant. Ils acceptent le monde tel qu’il est. Ils ne s’étonnent plus de la violence, de la méchanceté, de la corruption de certains. Et en l’acceptant, en le tolérant, ils en deviennent complices.

Mais certains n’en sont pas capables.

La colère remplace l’indifférence. Pas en apparence, bien sûr. Mais chaque petite frustration, chaque petite injustice vécue est une nouvelle petite goutte d’eau qui s’abat sur le front de la victime. Les premières sont indolores. Mais elles sont de plus en plus douloureuses. On serre les dents. On fait preuve d’abnégation. On ignore. Arrête de pleurer, Violette, ça ne va rien changer, contente-toi d’encaisser. Alors, comme des barils de poudre qui n’attendent qu’une Étincelle, on les cache sous les lits, on les couvre de draps, et on fait comme s’ils n’étaient plus là.

Violette, c’est une cocotte minute qui monte toujours plus en pression et qui se retient d’exploser. Quelqu’un qui encaisse sans vraiment encaisser, qui attend, presque impatiente, la goutte d’eau de trop qui laissera sortir cette colère qu’elle accumule depuis toutes ces années.

À part être une petite furie endormie, Violette est une artiste dans l’âme. Ce qui colle assez bien, au final : L’Art n’est-il pas l’expression d’émotions ? En tout cas, Violette est du genre à agresser ses canevas à coups de pinceaux. Rouge, Violet, Pourpre, Magenta, que des couleurs pétantes qui agressives qui s’entrelacent, se mélangent, se confondent. Violette est plutôt une piètre peintre, mais cette activité lui plaît malgré tout. Non, là où elle excelle, c’est la photo. Cela se ressent dans ses peintures, qui ont un cadrage professionnel mais manquent de finesse dans le geste. Les photos, elles, n’ont pas ce défaut. Il lui arrive d’ailleurs souvent de mélanger les deux et de mettre certaines de ses réalisations gouachées à moitié en miettes avant de les prendre en photo. La rage de l’Artiste, vous connaissez ?

Autre chose, il faut savoir que la colère, Violette la dirige surtout vers ceux qui ont le pouvoir. Ceux qui choisissent pour ceux qui subissent, comme elle. Ceux qui ne voient les autres que comme des pions, des automates que l’on peut casser et jeter. Ceux qui ne vivent que pour eux-même. Ceux-là, qui sont intouchables, elle rêve de leur envoyer son poing dans leurs mâchoires si bien rasées. C’est en jouant nerveusement avec son zippo, qu’elle allume et éteint sans cesse, et en serrant les dents, qu’elle attend ce jour.

Ce jour, où elle changera les choses.