Intrigue #02 | "En direct sur CNN !..."

La douceur d'un coussin sous la joue. La chaleur de la pièce surchauffée. Le silence serein de l'appartement où il avait élu domicile pour cette nuit. Sa position de contorsionniste qui prouvait par a+b que les chats n'appartenaient pas à la catégorie des vertébrés, et tant pis pour l'opinion des biologistes. Le sommeil dont on ne le tirait pas avec des câlins impromptus. Les légers bruits qu'émettait Victoire alors qu'elle se promenait dans l'appartement en traînant les pieds. Elle ne faisait pas trop de bruit pour une fois. C'était le paradis, le bonheur, la joie, la félicité. John avait bien l'intention de rester dans cette position encore au moins trois jours pour roupiller un bon coup. Sauf si son estomac criait famine avant, ce qui était plus que probable.

Le bonheur du mutant fut soudainement interrompu lorsque une masse de tissu lui tomba sur le coin du museau. « Habille-toi vite on va manger dehors » Il ouvrit un oeil : rien, le noir. Plantant ses griffes dans le tissu, le chat ôta le vêtement de sa tête à temps pour apercevoir Victoire qui marchait au plafond d'un air affairé et mettait des affaires dans un sac. Comment est-ce que les choses ne tombaient pas au sol hm ? Parce que tout était inversé, et John avait appris – okay, à ses dépends, ne le regardait pas comme ça – que lorsqu'on va vers le ciel/plafond, on tombe obligatoirement au sol. Et s'il avait bien vu, elle avait glissé une boîte de sardines dans son sac : selon la loi de la pesanteur, gravité et truc machin chouette, les sardines devraient lui tomber dessus, droit dans sa gueule.

Malencontreusement, ce fut lui qui tomba, lorsqu'il reprit brutalement et de manière inattendue forme humaine : un chat peut avoir la tête dans le vide et à l'envers, les pattes arrières sur un accoudoir de canapé et le dos en zig zag, pas un humain. Avec un miaulement de mécontentement, John s'écrasa lourdement au sol. En grommelant, et juste parce que Victoire l'attendait visiblement, il enfila les vêtements qu'elle lui avait lancé : un jeans, un tee-shirt superman et une veste de costume trop grande, pas de chaussures, beurk beurk ces trucs.

 « - Quoiiii ?!»

Il était d'assez mauvaise humeur, il avait même le bourdon : le réveil ne lui avait pas plus. Pourtant, le mutant se laissa traîner dans un taxi, où il chercha à continuer sa nuit et matinée, en vain : Victoire l'en fit sortir assez rapidement pour l'emmener au « Milk & Honey »... Le nom était assez alléchant pour faire étinceler les yeux du doux dingue; il se laissa tomber à une table, tout en lançant un regard gourmand aux assiettes des tables voisines. « -Tu gardes la place chaton ? Je vais prendre du lait pour le moment, on verra après si on veut manger. Et j'ai des sardines dans mon sac ! John acquiesça, avant de poser ses bras sur la table et d'y cacher son visage. Stand-by jusqu'au retour de la rousse. Il daigna relever le nez lorsque l'odeur de lait chaud et de sardines vient frapper son museau. John trempa méticuleusement une sardine dans le mug, retrouvant une ambiance sereine, jusqu'à ce que la télévision retransmette des informations plus qu'inquiétantes.

Avec un temps de retard, John tourna lui aussi la tête vers l'écran, vers lequel tous les regards étaient dirigés avec fascination. Le silence inquiet, voire terrifié qui régnait soudainement dans le joyeux bar retourna l'estomac de John avant qu'il ne comprenne ce qui se passait. Son sixième sens félin lui indiquait que ce n'était pas bon, pas bon du tout. Le mutant resta immobile, à fixer l'écran, sa sardine pleine de lait immobilisée en l'air. Des engins de guerre sortaient des flots – notion déjà assez inquiétante en elle-même : la mer semblait vouloir envahir l'espace terrestre, ce qui pouvait donner des sueurs froides au félin assez facilement – et tuaient tout ce qu'ils pouvaient, tout ce qui passait à proximité.

« -Victoire? »

Il lui lança un regard un peu inquiet, se demandant tout ce que cela signifiait : cela ressemblait plus à un mauvais film de guerre qu'à la réalité, mais le bandeau d'informations indiquait que c'était vrai. Alors quoi ? Le regard de Victoire était rassurant alors qu'elle buvait un peu de son chocolat chaud; légèrement rassuré malgré son mauvais pressentiment, John finit sa sardine, lentement.

« Il semblerait que le terrible Loki, qui a tenté d'envahir notre chère planète il y a peu, soit également présent. [...] » Cette information passa loin au-dessus de la tête de John qui avait oublié l'épisode de l'invasion Chitauris menée par Loki depuis bien longtemps – si jamais il en avait entendu parler, un chat ne se souciant pas beaucoup de ces choses là – mais pas la réaction soudaine de Victoire : elle semblait inquiète, terrifiée. Le mutant pouvait sentir l'odeur de sa peur, et du frisson qui l'avait parcourue.
John posa une main sur son bras, comme pour la rassurer, même s'il sentait ce qui lui restait de pilosité sous cette forme se hérissait de crainte. Il lui déclara doucement, rompant le silence dans lequel le bar était plongé :

« - Ce ne sont que des poissons. Très laids, mais des poissons. On est en sécurité, ici.»