«Pain in the ass », songea Bucky. Une pensée, claire, précise, et loin de sortir de nulle part. A propos de Steve. Et du jean’s que portait Bucky. Les deux les lui brisait de manière fort peu métaphorique depuis une quinzaine de minutes. Le sniper répondait au nom de code du Winter Soldier. Le fantôme d’HYDRA. L’assassin sans visage et sans âme, férocement muet, docilement brisé portait un slim noir, en cuir. Sous le regard presque moqueur de Tasha, cela lui avait semblé une relative bonne idée – ne changeant pas trop de ses éternels pantalons noirs et blousons de cuir. L’aspect moulant ne lui avait pas paru à un problème – très différent de son alternance étudiée entre jogging usés tombant bas sur ses hanches et treillis noirs aux poches alourdis de munitions et de grenades. Machine à tuer vs. Adolescent feignant avec son chat, il n’y avait pas d’entre deux chez Bucky Barnes.
Jusqu’à cette mission sous couverture et l’invention des slims en cuir – James n’était capable de vivre dans aucun des deux, sur le long terme. Mais sur le moment ? Son visage habituellement impassible dès qu’on lui donnait des ordres et/ou qu’il devait sagement écouter un briefing sur une mission à venir et Rogers déblatérer sur ce qu’ils devaient faire s’était illustré un sourire en coin. De mauvaise augure pour autrui, mais l’idée lui plaisait.
A présent qu’il poireautait à califourchon sur sa bécane ? Beaucoup moins.
Peinture parfaite pour un romantique moderne en manque des paysages de montagnes, de brumes et de types alanguis d’amour pour leurs muses. Un air d’ennui peint sur son visage, sous ses longues mèches sombres qui lui tombaient devant les yeux. Des yeux d’acier qui fixaient l’asphalte, un t-shirt à manches longues et une mitaine de cuir – veine tentative de se fondre dans la future atmosphère de la soirée, sans dévoiler son bras gauche. Même après tout ce temps, il faisait la moue.Pour compenser, l’avant du t-shirt était à a peu près transparent dès qu’une lumière tombait sur ses abdominaux et la profondeur du col en V appelé largement le mot « décolleté plongeant et indécent s’il avait été une femme ». Indécent ici aussi, vous me direz. Des bagues sertissant ses doigts, puis du vernis noir sur ses ongles rongés. Les avant-bras posés sur le guidon de sa moto, son menton dessus. Une moue peu vraiment motivée depuis que sa cigarette est morte au sol. Et que ses cuisses sont à l’étroit dans un slim Et ses cuisses à l’étroit, l’impression d’être exposé et de ne pas porter assez d’armes. Celles qu’il portait bel et bien résisteraient à une fouille au corps, même approfondie, même effectuée par son petit-ami.
Qu’il attendait, l’âme et le postérieur en peine, sur sa moto dans le froid de… dans la soirée estivale tout à fait agréable. « - Je nourris Punk et j’arrive. » Dis plutôt que tu veux t’observer dans le miroir et te faire beau/attendre, oui – la réplique acerbe et absolument non méritée avait passé son esprit, mais pas ses lèvres. Parce que c’était Stevie, mais l’idée était bien présente dans la manière dont Bucky avait roulé des yeux en refermant la porte derrière lui, et marmonné quelque chose à propos de faire chauffer le moteur – chose que les motos, surtout du calibre de la sienne, n’avaient pas besoin depuis quelques décennies.
La réalité était que Steve se faisait attendre – le faisait languir. Telle une fille à amener au bal, soufflait James à l’oreille de Bucky, à son agacement. Il avait beau jouer à un mélange de bad boy blasé et de regard de chiot battu à qui on a posé un lapin, il irradiait presque d’une fierté made in années 40. Pour Steve. Steve brun, avec un piercing qui faisait trop gronder le ventre de Bucky et une barbe de bûcheron ou d’hispter. Steve qui mettait un t-shirt transparent, et qui semblait plus à l’aise dans sa peau qu’il ne l’avait été depuis que Buck le connaissait, avant ou après. Bucky pouvait comprendre mieux que quiconque le besoin de s’approprier son propre corps et identité. Il était passé par là. Il apprenait encore – il aimait les tatouages et les piercings, mais ne portait qu’un tatouage, unique et discret, depuis longtemps, plus attiré par «l’avoir » que le moment du « faire ». Il aimait les tatouages, sur Steve. Ce piercing, sur ces lèvres roses là, aussi. La barbe attirait ses taquineries et rougeurs, mais pourquoi pas.
Même si lorsque Steve franchit enfin la porte de l’immeuble, Bucky se tendit légèrement à voir un brun prédateur s’approcher de lui – avant de se laisser rassenerer par la silhouette familière et son pas qui n’avait pas changé malgré les guerres et les expérimentations. Ce n’était pas vraiment plus destabilisant que la première fois qu’il l’avait revu. Après. Après Azzano . Après HYDRA. Surtout qu’il restait la bonne vieille stabilité de Steve Jerk Rogers Ducon. C’était gratuit et parfaitement inutile – mais pour une fois, ils n’avaient pas besoin de deux motos pour faciliter la fuite, couverture du terrain ou stratégie de combat et ils s’étaient promis de profiter un peu ; De garder un œil ouvert sur la mission, oui, oui. Mais une soirée de repos en un siècle et le monde n’allait pas s’écrouler. Steve était d’humeur joueuse et à oublier son devoir – Bucky n’allait pas lui faire dire deux fois, plus habitué à prendre du temps pour soi. A exister en dehors des missions puisqu’il n’avait pas du tout eu ce luxe pendant trop longtemps.
«-Tu as intérêt à ce que ça en vaille la peine. » Tu veux vraiment jouer à ça Rogers ? 80 ans plus tard, et c’était toujours aussi facile de le faire démarrer au quart de tour, le bougre. Barnes connaissait les ficelles – Steve était loin d’être prévisible que du papier à musique, mais il le connaissait depuis assez longtemps pour que sa partition s’accorde à la sienne sans qu’il y ait besoin de concertation. Il était.. parfait. C’était mièvre, mais c’était une pensée pleine d’affirmations. Steve avait toujours été parfait – il avait mis du temps à se rendre compte de pas mal de choses et surtout de faire sa paix – et Steve de même de son côté – avec ces choses. Mais il avait toujours vu Steve ainsi. Même s’il était une tête de mule qui faisait un foin de partager une moto. C’était gratuit, mais ils roulaient si souvent séparément…
« C'est quand tu veux, j'aimerais arriver avant l'aube. » Bucky tourna à demi la tête vers lui, fronça les sourcils. Eut un temps de silence, comme s’il réfléchissait. Pour lâcher d’un ton vaguement dégouté, vaguement outré.
« Je suis absolument certain de m’être plains en ces termes hier soir Rogers, tu radotes ou tu deviens impuissant ? »Bucky fit ronfler le moteur dans la nuit, se prenant au jeu de démarrer sur une accélération un peu brutale, tout à fait inutile et tapageuse – pour le plaisir de le sentir se coller contre son dos, glisser sur le siège pour être tout contre lui. Il avait toujours té physique – une main sur la nuque, sur l’épaule de Steve, déjà avant la guerre. Puis des années de refus, de manque, d’absence. Il utiliserait tout ce qu’il pouvait. La boîte de nuit – la version moderne des salles de ball et des diners, apparemment. Plus sombre, plus bruyant et une part de Bucky était tendu comme un ressort à l’idée des difficultés de fuite, de tous ces corps qui allaient se retrouver dans son propre périmètre de sécurité. Ne pas tomber dans une crise. Il glissa sa main dans la poche arrière de Steve pour murmurer à son oreille, voix de miel et sourire en coin. Factices mais très bien imités.
« - Et ils lorgnent tous sur ton postérieur. Good job. » Il savait faire – jouer un rôle, prendre une couverture. Les soviétiques l’avaient dressé dans ce sens. Cela l’avait aidé lorsqu’on l’avait envoyé aux Etats-Unis pendant la Purge. Puis pour faire semblant qu’il y avait un humain dans la coquille d’un meurtrier, jusqu’à force de faire semblant, l’humaine existe. Là ? Très utile pour faire le premier pas, entrer dans la danse. Se lancer avant de laisser le naturel revenir au galop. Il était sincère. Mais aurait sans doute été se cacher dans un coin plutôt que peloter Rogers en public si cela n’avait été que lui. Il attrapa la main de Steve opposée au côté où il se trouvait, faisant passer leurs mains jointes au-dessus de la tête de Steve et tournoyant lui-même sur ses talons – de ses rangers aux talons ferrés. Cela passait plutôt bien dans son look, heureusement.
« - Viens là, Jerk »Sur le même ton qu’il aurait dû dire viens là loverboy. James Barnes lui envoya une œillade que tous les romans à l’eau de rose auraient qualifié de regard de braise, souligné par l’épais trait de khôl noir qu’il y portait. Que ce soit le même maquillage qui absorbait la lumière lorsqu’il prenait le poste de sniper
était totalement hors sujet. Cela marchait plutôt bien avec son teint pâle, ses mèches d’ébènes et ses yeux trop clairs. Il l’attira plus proche de lui, relâchant son souffle et une partie de sa tension/paranoïa inconsciente.
« - Je t’emmène enfin danser sans un double date. Tu me dois une danse. »© TITANIA