J'ai participé à la bataille de New York, puisque je faisais partie du SHIELD (et que j'avais déjà mes pouvoirs). Et que du coup, comme j'étais (et je suis toujours) instable, ou du moins, que je ne contrôle pas toujours tout, c'était une meilleure idée que je reste derrière à combattre plutôt que de causer une nouvelle catastrophe entourée de centaines de réfugiés. Donc, oui, cette baston je l'ai vue de près, même si nous avons aussi fini par être évacués. Et je pense que c'était une bonne chose que d'évacuer New York, il fallait mieux sauver le plus de vies possible quitte à sacrifier une ville entière. New York on pourra la reconstruire, les vies humaines... pas tellement. Alors oui, je pense que je gouvernement a géré sur ce coup-là. Quant au Président, bah écoutez, il fait bien ce qu'il veut, hein, jusque-là il est parvenu à tous nous maintenir plus ou moins en vie... Et les temps de crise ne sont jamais faciles à gérer.
J'ai beaucoup bougé dans ma vie, d'abord d'une famille d'accueil à l'autre, ensuite avec les missions du SHIELD, donc je suis habituée à rester peu de temps au même endroit. Je n'ai d'ailleurs jamais habité plus de deux ans dans le même lieu. Ce qui est cool avec Los Angeles au moins, c'est la météo. Et les palmiers, y'avait pas ça à New York. Mais comme toute la Californie est une zone qui craint en matière sismique, je suis encore plus stressée à cause de mes pouvoirs. Car je ne souhaite pas causer une nouvelle catastrophe, y'en a assez en ce moment. Mais sinon j'ai toujours mon taff, toujours avec le SHIELD, donc je continue de faire mon boulot et j'espère que ce que je fais changera les choses, que ça permettra de sauver des vies et d'en aider d'autres.
Je n'hésiterais pas une seule seconde. Après tout, ils nous ont filé un coup de main sur terre, je ne vois pas pourquoi on fera pas de même avec leur monde. Et puis nous ne sommes plus tous seuls dans la galaxie, faut s'entraider avec ceux qui viennent d'ailleurs. Parce qu'un remake de Star Wars pourrait arriver et qu'il vaut mieux avoir de puissants alliés. Donc oui, si j'ai la possibilité d'aller sur Asgard, j'irai. Et aussi parce que ça vend du rêve cet endroit. Sans déconner, cet endroit est tellement impressionnant qu'il est au cœur de nos légendes nordiques ! Alors forcément que je veux aller y jeter un coup d'œil !
«
Marie ! »
Je m’arrête brutalement et ne bouge plus. Me trouvant en plein milieu du couloir, je me retourne doucement, mes petits poings fermés à mes côtés, tout mon corps tremblant légèrement comme un animal éclairé par les phares d’une voiture. Petit à petit, je me retourne jusqu’à faire face à la dame. Cette dernière n’a pas l’air contente et ses mains sont placées sur ses hanches.
«
Oh oh… »
«
Tu as raison, ‘oh oh’ définie bien la situation ! »
La dame s’approche à grand pas et s’agenouille devant la fillette de cinq ans qui lui arrive à peine à la taille. Le sourire innocent de la fillette ne la dupe pas.
«
Qu’est-ce que tu caches dans ta main ? »
Je me mords les lèvres et cache ma main droite dans mon dos. Mes traits deviennent espiègles, j'aime les jeux. Pourtant, j'étais certaine que je ne me ferais pas prendre. Cela fait plusieurs jours que je prépare mon coup, que j'observe les habitudes de la directrice de l’orphelinat.
«
Marie, montre-moi ta main. »
Sous la voix impassible de la directrice (et parce que je n’ai pas spécialement envie de me retrouver privée de dîner ce soir), je ramène ma main droite devant moi et l’ouvre. L’objet tombe dans la main de la directrice et cette dernière porte la clé à hauteur de ses yeux, l’observant durant quelques secondes en fronçant les sourcils. Cette clé se trouvait dans sa poche une minute auparavant, quand j'étais encore dans son bureau. Une fois l’inspection de l’objet terminé, le regard de la directrice se pose sur mon visage de fillette. Je suis gênée, mais je ne regrette pas mon acte.
«
Ce n’est pas bien de voler, Marie. »
Je baisse les yeux en traçant des cercles sur le sol avec mon pied, n’écoutant qu’à moitié un discours que je connais presque par cœur. Au début, c’étaient des bonbons, un dollar par-ci par-là, surtout des friandises ou des fruits. La clé, c’est la première fois.
«
Qu’est-ce que tu avais l’intention de faire avec la clé de mon bureau, Marie ? »
Le regard de la directrice se fait insistent et sa main se referme sur mon menton, me forçant à la regarder dans les yeux.
«
Réponds-moi ! »
Après quelques secondes de bataille de regard, je murmure :
«
Je voulais voir mon dossier… »
«
De quoi ? »
«
Je voulais voir mon dossier ! »
Je me dérobe en hurlant et fais un pas en arrière.
«
Pourquoi je ne suis plus avec ma famille ? »
La directrice soupire.
«
Marie, je te l’ai déjà dit. Monsieur et Madame Kingston ne peuvent plus s’occuper de toi. »
Je croise les bras sur ma poitrine, boudant. Je sais très bien que les Kingston ne sont pas ma vraie famille. Je me souviens vaguement, principalement d’impressions. Je ne crois pas tout ce qu’on me dit. On m'a dit par exemple que quelqu’un m’a déposée dans un orphelinat au sud du pays, que j'ai été adoptée par les Kingston et qu’ils m'ont déposée à St Agnès, là où je me trouve actuellement, au bout de deux ans. Je le sais très bien que Madame Kingston attend un enfant, leur vrai, un enfant bien à eux. Du coup, ils n’ont plus voulu de moi. Voilà la véritable raison et j'y crois dur comme fer.
«
Qui sont mes vrais parents ? »
Ma question prend la directrice par surprise.
«
Je ne sais pas, Marie. Personne ne sait. »
La directrice se lève ensuite, époussète sa jupe et range la clé dans sa poche. Elle place ensuite sa main sur ma tête dans un geste presque maternel. Presque. Elle me force plutôt à continuer d’avancer dans le couloir.
«
Allez, viens Marie. Tu dois rencontrer un nouveau couple. Ils pourraient être tes nouveaux parents. »
«
Je ne suis pas Marie. Je m’appelle Skye. »
La directrice lève simplement les yeux au ciel comme à chaque fois que cette histoire de prénom revient. C’est la quinzième fois ce mois-ci.
×××
Monsieur Smith claque la porte de la voiture et me pousse dans le jardin sous les regards surpris des voisins. Mais Monsieur Smith les ignore et entre dans la maison en claquant là aussi la porte d’entrée. Sa femme apparaît alors dans le passage menant vers la cuisine.
«
Qu’est-ce qui se passe, chéri ? »
Je souris en voyant Madame Smith et cette dernière me sourit en retour avant de m’inviter dans la cuisine d’où provient la bonne odeur de pancakes. Monsieur Smith jette son sac sur le sol et lance violemment les clés de la voiture dans le bol prévu à cet effet. Je m’assois sur l’une des chaises dans la cuisine et accepte le verre de jus d’orange que me tend Madame Smith. Madame Smith sourit toujours, elle est toujours gentille. Dès le jour où le couple m'a adoptée, Madame Smith n’a jamais élevé la voix, ne m’a jamais punie, elle a toujours su écouter et donner des conseils utiles. Monsieur Smith… je préfère ne pas y penser et noyer mon regard dans le jus pour éviter celui de mon père adoptif. C’est ma cinquième famille d’accueil.
«
Il se passe que Marie s’est fait suspendre des cours pour vol ! »
Le teint de Madame Smith devient livide, mais elle ne dit rien, elle a simplement l’air choquée alors que son mari continue après avoir avalé un verre d’eau et avoir brutalement défait sa cravate.
«
Le surveillant de la salle d’informatique l’a surprise en train de ranger l’un des ordinateurs portables dans son sac. »
Je continue de fixer la pulpe dans mon jus sans relever la tête comme si la conversation ne me concernait en rien. Je ne précise pas que je voulais simplement l’emprunter, faire des recherches sur mes parents biologiques et le rendre le lendemain. Parce que ce genre de recherches, je ne peux pas le faire à l’école, c'est bien trop risqué et trop protégé. Je ne suis pas très douée pour l’instant, mais je m'entraîne pour être un jour capable de hacker n’importe quel système. Plus les années passent et plus je ressens le besoin de connaître la vérité. De plus, je n’ai jamais été douée pour suivre les règles et obéir aux ordres. La preuve, la professeure de maths n’apprécie pas quand je trouve une solution au problème en utilisant une méthode complètement différente que celle de la prof.
«
Est-ce que c’est vrai, ma puce ? » demande Madame Smith en plaçant sa main sur mon épaule de jeune fille de douze ans.
«
Bien sûr que c’est vrai, tu crois que je mens ? »
Madame Smith ignore son mari et continue de me regarder. Je finis par hocher la tête. Mais je ne trouve pas le courage de lui dire pourquoi j'ai fais ça. Tout ce que je retiens de cette soirée c’est la brûlure sur ma joue après la main de Monsieur Smith, les cris de protestation de Madame Smith et sa grande dispute avec Monsieur Smith jusque tard dans la soirée. Le lendemain, j'ai fugué.
×××
Je me suis mise le SHIELD à dos complètement par hasard. Non, c'est pas vrai, c'était parfaitement voulu, mais je voulais juste voir si vous suivez toujours cette longue fiche. Donc, le SHIELD. J'étais une simple petite hackeuse du groupe Rising Tide, je faisais quelques traficotages, par-ci, par-là, bref, rien de bien méchant. Sauf que j'ai essayé de hacker le SHIELD pour avoir accès à des fichiers concernant mon arrivée à St Agnès, puisque le logo du SHIELD, le fameux aigle grandiose, s'y trouvait. Bien sûr, ils m'ont chopée, mais pas avant que je ne sois entrée dans leur système. Malheureusement, je n'ai rien trouvé.
Le SHIELD m'a kidnappée, ils m'ont interrogée, croyant que j'avais un rôle dans une de leurs affaires en cours puisque j'étais sur place en train de filmer. Puis ils ont voulu m'embaucher pour mes compétences. Après tout, j'étais douée pour effacer mes traces. Rien du tout sur le net, pas même un numéro de sécu. J'avais tout effacé et ça, ça ne leur était jamais arrivé avant de trouver quelqu'un sur qui ils n'avaient aucune information. J'ai accepté, parce que je souhaitais en apprendre plus sur mes parents et je suis donc entrée dans l'équipe de Phil Coulson, aka AC.
Les premières missions se sont bien passées et j'ai fini par découvrir que mes parents avaient été tués dans un massacre quand je n'étais qu'un bébé. Je suis restée dans le SHIELD malgré tout et j'ai découvert ma véritable identité : j'étais la fille d'une chinoise et d'un vétérinaire américain et mon véritable nom était Daisy Louise Johnson. Depuis ce jour-là, je porte ce nom aussi fièrement que j'assume mon caractère disjoncté.
×××
«
Hey, Mack, dès que cette mission est terminée, je te paie une tournée. » Je me tourne vers mon partenaire de mission qui hausse les épaules.
«
On n’a même pas encore commencé que t’as déjà l’intention de te bourrer la gueule ? C’est ta rupture avec Miles qui te met dans cet état ? »
Je grince des dents et regarde la route au lieu de répondre, mes mains serrant le volant un peu plus fort.
«
Ça n’a rien à voir… »
«
Je vous ai vu ensemble la dernière fois. Je pensais que c’était terminé entre vous, genre, depuis un an, depuis que tu as rejoint le SHIELD. »
Je soupire.
«
Ça l’est. C’est juste que cet abruti s’est souvenu que j’avais encore quelques unes de ses affaires. Il avait fini sa probation, sauf que cet abruti a essayé de hacker le SHIELD de nouveau après ses trois mois de suspension. Ce qui lui a valut un petit tour derrière les barreaux jusqu’à jeudi dernier. C’est là qu’il est venu ramper de nouveau vers moi. Mais nous ne sommes pas ensemble. »
Mack lève les mains en signe d’abandon et ce geste semble innocent est assez ridicule quand c’est une armoire à glace de près de deux mètres qui le fait. Mack est mon partenaire depuis six mois maintenant et il m’a sauvé la vie tellement de fois que j’ai arrêté de compter. Je lui fais totalement confiance et nous nous complétons, d’une part avec nos différences physiques, mais aussi de part nos compétences sur le terrain. Lui c’est le géant qui fonce dans le tas et que rien n’arrête et moi je suis la petite souris qui m’infiltre partout.
Nous finissons par arriver à l’endroit où une intervention d’une personne avec des «
dons étranges » d’après l’appel anonyme que nous avons reçu, semble avoir eut lieu. Et pendant que Mack observe les alentours pour déterminer le périmètre de sécurité, j’aperçois une silhouette qui s’enfuit. Immédiatement, Mack et moi la prenons en chasse et nous nous séparons pour essayer de la bloquer. Je me précipite ainsi vers une petite allée étroite, un raccourci que je connais, quand soudain, je me retrouve complètement ailleurs. Dans une ville aussi, mais ce n’est absolument pas une ville humaine.
Ce qui s’en suit est relativement flou dans mon esprit. Avec d’autres personnes, je me suis retrouvée comme téléportée dans cette ville étrange où les gens ont des ailes, des nageoires, des crocs et des peaux de toutes les couleurs pour ne citer que quelques anomalies. Je ne me souviens que vaguement de ces moments passés dans cette ville et de notre retour, comme si quelqu’un avait effacé mes souvenirs avec une gomme qui efface mal. Je me souviens de fragments, la présence de Mack à mes côtés, une sorte de gaz qui nous a bien fait peur puisque nous ne savions absolument pas ce qu’il contenait.
Puis, le noir complet et un puissant mal de crâne. C’était comme si une ruche s’était glissée sous ma peau et qu’elle faisait vibrer toutes les pores de mon être. J’avais un bourdonnement constant dans la tête et en plus de ça, je semblais être prise dans une sorte de cocon dont je ne parvenais pas à m’extirper. Encastrée vivante, je pensais vraiment que c’est comme ça que j’allais finir. Puis la chrysalide s’est brisée et tel un papillon, je suis devenue une créature absolument magnifique en sautillant partout sur un bruit de paillettes.
Non, ça ne s’est absolument pas passé comme ça. La vie n’est pas un conte de fée. Quand la chrysalide s’est brisée, j’ai libéré des ondes qui ont provoqué un petit tremblement de terre. Je pouvais manipuler les vibrations, autant celles du sol que de l’air et même celles des êtres vivants puisque tout dans ce monde possède sa propre façon de résonner, de vibrer. Les autres ne semblaient rien avoir, j’étais la seule que le gaz avait transformée. Et le pire, c’étaient les regards des autres. Des regards de peur et de terreur, de dégoût et de mépris comme si j’étais un monstre à abattre.
Le retour, je ne m’en souviens clairement pas. Tout ce qui m’a marqué c’est ma cellule de quarantaine au retour dans le SHIELD. Ils m’ont dis que mon ADN avait changé, que je n’étais plus humaine. Coulson a essayé de m’expliquer que je ne devais pas être une humaine de base si j’étais le seule à avoir été changée. Il essayait de trouver un côté positif à toute cette histoire, mais chaque tremblement que je provoquais me renforçait dans la certitude que je n’étais qu’un danger pour le reste du monde.
Et puis un message des Inhumains nous est parvenu et on a compris que c’est ça que j’étais, une Inhumaine. J’ai essayé de contrôler mes pouvoirs et après de très longs mois, j’ai pu les contrôler suffisamment pour ne pas causer un tremblement de terre dès que je fais trois pas dehors. Les gants que le SHIELD a fabriqués pour moi aident beaucoup, puisqu’ils me permettent de ne pas me fracturer les bras à chaque fois que j’utilise mes pouvoirs. On m’a prévenue : si je dépasse mes limites, c’est la paralysie. Génial, déjà que ce pouvoir est destructeur, en plus faut que ça me tue petit à petit.
Mais les ennuis ne s’arrêtaient pas là. On s’est littéralement fait exploser la face par les Chitauris quelques mois plus tard. Je commençais à bien maîtriser mes pouvoirs et je pouvais être lâchée en public (il faut vraiment que j’arrête de me comparer à un chien…) sans causer de dégâts. J’étais l’une des personnes à rester derrière durant l’évacuation pour retenir le plus de ces fils de leur maman gris à tête de babouins charcuté au mixeur. Je restais un risque malgré tout et j’avais préféré rester loin des civils, juste au cas-où. En plus, on avait besoin de moi. Mais malgré nos efforts, nous avons perdu la ville de New York.
×××
Aujourd’hui… aujourd’hui, c’est aussi compliqué qu’hier et c’est aussi compliqué que sera demain. Je réside actuellement à Los Angeles, toujours au SHIELD, toujours avec Mack et AC. Depuis le temps, ils ont fini par accepter ma différence et mes nouvelles compétences, surtout qu’ils voient que j’essaie vraiment de garder le contrôle et d’aider les autres, de protéger ceux qui ne le peuvent pas, de faire du bien. J’arrive à contrôler mes pouvoirs chaque jour un peu plus, mais au fur-et-à-mesure que ma confiance revient, c’est aussi mon imprudence qui refait surface. J’ai déjà eut deux ou trois dérapages, alors j’essaie de faire attention. Je n’ai pas spécialement envie de passer des semaines à l’infirmerie ou bien de tuer quelqu’un.
Et puis une nouveauté me permettrait de canaliser toute cette énergie, mais que je vais mieux : la reconquête d’Asgard. Si on me demande d’y participer, je n’hésiterais pas. Je suis plus terrain que théorie, ce qui peut être paradoxal vu mon passé de hackeuse, mais c’est comme ça que je suis aujourd’hui. Et ça fait du bien de se sentir de nouveau bien dans sa peau.