| Invité Invité  | -Bon Vanessa, vous n'avez vraiment rien de mieux à faire de vos samedis que de servir un vieil homme dans mon genre dans un café miteux de Brooklyn ?
Elle lui sourit avant de remplir à nouveau sa tasse du liquide noir. Il fallait vraiment que les gens arrêtent de vouloir régir sa vie sociale. Si elle choisissait de se couper du monde extérieur, de se concentrer sur son travail et de ne pas sortir, c'était son problème non ? Mais apparemment chacun avait à coeur de lui rappeler jour après jour tout ce qu'elle s'interdisait. Et pourtant, si elle en avait la possibilité, bien sûr qu'elle tisserait des liens avec d'autres personnes, accepterait d'être l'amie de quelqu'un d'autre que ce chat roux qui traînait derrière le café. Mais quand on sait qu'on peut être amener à disparaître du jour au lendemain, devoir emprunter l'identité d'une autre, peut-être même changer de ville, on finit par désespérer de jamais avoir des repères stables dans sa vie.
-Mais je sors vous savez. Je fais mes courses, je me promène en ville ... Je me suis même inscrite à une salle de sport.
C'est au tour du vieil homme de secouer la tête en souriant légèrement. Bien sûr qu'il n'entendait pas par là qu'elle devait faire des activités du quotidien mais rencontrer du monde. Autant dire, mission impossible. Mais dans une certaine mesure, le voeu du vieil habitué allait être exaucé puisqu'elle s'était accordée une après-midi de congé non pas pour vaquer aux occupations des filles de son âge, à savoir faire du shopping, aller retrouver des amies dans un café ou que sais-je encore. Non rien de tout ça. Le grand plaisir de Vanessa, c'était bien d'avoir enfin accès à une salle de sport digne de ce nom et de pouvoir taper de toutes ses forces contre des sacs de sable. Bon ses connaissances en boxe étaient approximatives -quelques matchs observés à la télé et une rapide initiation quand elle travaillait encore pour Tolliver- mais elle avait grandement besoin de lâcher du lest et de taper dans quelque chose. Les informations vues à la télé n'avaient rien de rassurant. La traque aux mutants suivait son cours et elle craignait de plus en plus d'être obligée d'abandonner son train-train quotidien pour une nouvelle vie d'errance. Dire que si elle ne s'était pas enfuie de chez ses parents à 16 ans pour finir dans cette rue sordide à Boston, elle serait une fille tout à fait normale, peut-être déjà mariée avec des enfants dans une belle maison de banlieue. Elle soupire avant de finir d'encaisser ses commandes et de filer hors du café direction son appartement pour récupérer son sac de sport.
Une chance pour elle, à cette heure-ci les lieux étaient pratiquement déserts, les gens préférant profiter des derniers rayons de soleil hivernaux ou finissant de ranger leurs appartements après les fêtes mouvementées du nouvel an. Après avoir présenté sa carte de membre à la réception, elle s'engouffre dans les vestiaires, enfilant des vêtements simples mais confortables -un jogging noir et un débardeur blanc- avant de commencer à enrouler soigneusement les bandes autour de ses mains. Le MP3 fixé à l'élastique de son jogging, musique dans les oreilles assez forte pour faire total abstraction du monde extérieur, elle se dirige presque instinctivement vers les sacs de sable, prête à cogner un bon coup histoire d'évacuer toute cette rage qu'elle tentait de garder enfuie au plus profond d'elle-même.
Dès que la musique démarre, elle commence à frapper, d'abord d'un coup peu assuré de peur de se blesser. Et puis il fallait ajouter à cela le fait qu'elle n'était pas encore totalement habituée à ce corps et que les muscles de cette demoiselle-ci n'était pas aussi développée que pouvait l'être son propre corps à force de ses nombreuses missions pour le trafiquant d'armes. Chaque tendon, chaque muscle la tirait alors qu'elle augmentait la force de ses coups, faisant légèrement trembler les chaînes du sac de boxe. La musique la transposait dans un autre monde, un monde où elle aurait été seule dans cette pièce et où le sac de sable ne serait personne d'autre que ce scientifique fou qui avait fait d'elle un monstre. Un stupide monstre de foire à la peau bleue capable de reproduire mimétiquement chaque cellule d'un autre corps par la simple force de sa volonté. Un pouvoir pratique pour certains mais incroyablement désagréable et encombrant quand votre seule envie est de vous fondre dans la masse, d'avoir une vie bien rangée, comme tout le monde.
Les coups s'enchaînent alors qu'une fine pellicule de sueur s'est déposée sur son front. C'est que la blonde n'a pas transpiré par l'effort physique depuis sa dernière transformation et que le manque de sport se fait rudement sentir sur cette apparence toute neuve. Mais alors que la musique s'accélère, elle finit par vraiment oublier qu'éventuellement d'autres personnes pourraient circuler dans la pièce et donne un coup bien plus violent dans le sac, légèrement trop à droite de telle sorte que le sac glisse le long de son poing qui vient s'écraser sur tout à fait autre chose. Enfin sur quelqu'un en fait. Les yeux de la jeune femme s'écarquille alors qu'elle s'apprête à se répandre en excuses. C'est qu'elle n'avait aucune intention de casser le nez à un parfait inconnu en plein après-midi, pas aujourd'hui en tout cas. |
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