Le gouvernement a fait ce qu’il pensait le mieux et il n’est pas à blâmer pour ça. Il existait peut-être d’autres solutions, meilleures… Mais elles sont faciles à donner après coup. L’urgence de la situation a été gérée et le principal a été sauvé : c’est-à-dire les habitants de New-York. S’ils peuvent pleurer leur maison ou appartement disparu, c’est qu’ils sont encore en vie, c’est ça, c’est une victoire quand on voit l’étendue des dégâts. Je regrette forcément de n’avoir pas pu être là pour aider à l’évacuation, mais c’est ainsi…
Je n’ai pas confiance en Liesmith, quelque chose en lui me dérange au plus profond de moi. Le bilan de son mandat est plutôt positif, alors pourquoi pas ? Il n’a pas eu à gérer les affaires les plus faciles, que ce soit la fin de la Purge, la résurgence de HYDRA, les attaques spatiales, l’apparition d’Attilan et encore je ne sais quoi. Liesmith a permis à l’Amérique de rester stable dans une période où l’on a frôlé l’apocalypse plus d’une fois et il faut l’en remercier. Ceci étant, le changement peut avoir du bon, et je ne dis pas ça uniquement car Sarkissian est une femme.
Je suis revenu juste au moment où la mission démarrait et n’ait pu la suivre que de loin. Je suis contente que les asgardiens aient pu être sauvés, mais je pense qu’ils auraient peut-être pu être accueillis ailleurs qu’à L.A. Les New-Yorkais, puis les Asgardiens… On peut comprendre que le peuple de L.A. soit nerveux et en colère. Quoi qu’il en soit, la situation est désormais comme ça et des mesures sont prises chaque jour pour que les conditions s’améliorent. Je suis l’actualité de loin, sachant que s’il y a besoin d’aide, on n’hésitera pas à me demander mon aide… A laquelle je répondrais présente.
Le rayon d’énergie vient s’écraser contre le cuir épais du monstre. Si le temps avait prise ici, le combat aurait démarré depuis bien longtemps, beaucoup plus longtemps qu’il ne peut y paraître. Les cheveux ondoyants, d’un jaune fluorescent, de l’entité cosmique, devraient être projetés en arrière tandis que son attaque faisait un appel d’air, mais il n’en est rien dans ce vide hors du temps.
La décharge dure, ce qui pourrait être des secondes, et le monstre continue son avancée vers Binaire, qui esquive au dernier moment, remontant le long du bras de l’entité cosmique sans âge pour venir le frapper au visage. Son cri résonne dans l’esprit de la mutante aux pouvoirs d’une étoile, puis c’est la voix du monstre qu’elle entend.
«
Ce combat dure et tu ne comprends toujours pas que tu ne peux me vaincre. » Eructe-t-il dans l’esprit de Binaire. «
Tu ne peux pas vaincre Chthon le Tout-Puissant. » Si Binaire avait été capable de sentiment, elle aurait abordé un sourire narquois. Son visage reste pourtant impassible. Le monstre dit vrai, elle est incapable de gagner. Ceci sera donc la fin de son voyage, elle va mourir ici, seule, au-delà des limites de l’univers connu. «
Pas mal, pense-t-elle froidement,
j’aurai vu plus de choses que bon nombres (d’humains) d’autres. C’est presque dommage qu’il ait fallu se rendre ici pour (ressentir une émotion) terminer mon voyage. J’aurai pu (aimer) apprendre encore d’autres (sentiments) choses. »
«
Qui… Qui parle ? » Demande-t-elle dans son esprit, dans un recoin que le monstre cosmique en face d’elle ne peut entendre tandis qu’elle prend de plein fouet le revers de sa main gigantesque sur le corps.
«
C’est moi. » Lui réponds une autre voix, similaire à la sienne. «
Carol. Tu ne te souviens pas ? »
«
Ca…rol ? » La surprise éclaire son visage. «
J’ai… été Carol, non ? » Demande-t-elle à nouveau.
«
Oui ! » La voix est enthousiaste, elle peut percevoir ce que les autres appellent la joie dans les timbres de la voix. Binaire ne sait pas ce que c’est, la joie. Elle connait la joie à travers les autres, mais ne l’a jamais ressenti. «
Tu as été Carol, mais tu l’as oublié. Tâche de te souvenir, maintenant. »
Alors qu’une nouvelle attaque de Chthon arrive, Binaire ferme les yeux, dans cet espace hors du temps. Elle fait travailler sa mémoire, cherche à se souvenir de qui est Carol et pourquoi elle apparait, à ce moment où Binaire doit mourir.
PREMIERE DE STAR TREK : FIRST CONTACT,
BOSTON, LE 22 NOVEMBRE 1996
La jeune fille blonde fait voler sa maquette de L’Enterprise en sortant de la salle de cinéma, accompagnée de son père, un homme aux traits tirés par la fatigue, le bras autour de la taille de sa femme.
-
Carol ! Ne t’éloigne pas. Dit-il la fillette de six ans qui court en imitant le bruit du moteur du vaisseau. C’est elle qui a voulu aller au cinéma voir ce film de science-fiction. Passant bon nombres de soirées à lire ou regarder Star Trek, la sortie du dernier film était un évènement à côté duquel elle ne pouvait passer. Le travail a été long, au moins une semaine, mais ses parents ont accepté de l’emmener, à condition qu’elle fasse ses devoirs en avance et qu’elle aide sa mère pour les tâches ménagères.
-
Quand je serais grande, je serais comme le Capitaine Picard ! Répond-elle en riant et en venant se jeter dans les pans de la jupe de sa mère, qui se met à rire.
-
Mais oui, tu commanderas un vaisseau de Starship, c’est ça, hein ? -
Starfleet, maman ! Star-fleet ! Et oui ! Je serai une grande capitaine, j’aurai mon propre vaisseau et je volerai jusq…-
Ce n’est qu’un film, Carol. La coupe son père.
C’est bien de rêver, mais n’oublie pas non plus la réalité. Si les gens vont dans l’espace aujourd’hui, c’est parce qu’ils sont les meilleurs… Et nous, nous ne pouvons pas y prétendre. En plus… Il porte un œil à sa femme et se ravise. Elle sait ce qu’il s’apprétait à dire, elle peut l’entendre plusieurs fois par jour. Si elle aime son mari, elle n’arrive pas à comprendre comment il peut penser cela. Si elle ne travaille pas, c’est pour lui faire plaisir. Elle n’a jamais eu de travail et est resté une mère au foyer pour la stabilité de son couple, mais elle refuse qu’il mette en tête ces idées à Carol.
-
Mais oui, Papa. C’est pour ça que je vais travailler dur et que je serai astronaute ! Il soupire et ne dit plus rien, il n’a pas envie de se disputer maintenant, mais il faut qu’il en parle sérieusement à sa femme. Cette gamine rêve de choses qui ne sont pas possibles et même s’il l’aime, il faut qu’elle comprenne que son rôle, à elle, n’est pas de devenir astronaute. Mais ce soir, la gamine semble sur un nuage et il ne peut s’y résoudre. Il en parlera demain, quand la mère de la petite sera partie n course.
DEPART DE LA MISSION STS-114,
CAPE KENNEDY, 26 JUILLET 2005
«
Et maintenant, sans attendre, le tout dernier tube de cet été ! Boulevard of Broken Dreams, par Green Day.» La musique démarre et Carol commence à fredonner l’air de la chanson. La route n’est pas en très bon état et le bus, élancé sur celle-ci, la secoue légèrement tandis qu’elle regarde les paysages de Floride défiler devant ses yeux.
Hier, encore une dispute avec son père. Celui-ci ne veut pas comprendre que Carol, bien qu’elle soit une fille, est parfaitement capable de s’en sortir sans qu’il soit sur son dos. Pas de soccer sur la plage, a-t-il dit. Pas, non plus, de foutaises à propos de l’espace et du décollage qui doit avoir lieu demain.
Ca en a été trop pour la jeune Danvers. Au petit matin de ce 26 juillet, elle a donc fait son sac pour la journée et est partie pour le Sud, tout d’abord en faisant de l’auto-stop pour relier Jacksonville à Titusville, puis ensuite ce bus jusqu’à Cape Kennedy. Elle sait qu’elle va se faire disputer à son retour, mais tant pis, l’occasion est trop belle pour être manquée. Les Green Day laissent leur place à Nickelback et leur titre Rockstar tandis que Carol sort son livre sur la NASA, qu’elle garde toujours avec elle.
-
T’es là pour le décollage ? La voix d’un homme venant de la rangée de derrière elle la fait sursauter. Elle acquiesce du chef tout en le regardant.
C’est un spectacle unique, je n’en rate pas un seul. Continue-t-il.
Tu rêves d’en être, je parie ? A nouveau, elle opine. Il rit.
C’est bien ! Il en faut des comme toi ! T’en auras plein pour te dire que c’est pas faisable, mais les écoute pas, c’est des cons qui pensent que parce qu’ils n’ont pas saisi leur chance, tous devraient en faire autant. Dans un dernier soubresaut, le bus s’arrête et on peut lire sur la pancarte « CAPE KENNEDY – CENTRE DE LANCEMENT DE LA NASA ». Carol et l’homme descendent, ainsi qu’une dizaine d’autres. Best of you, des Foo Fighters, démarre tandis que les portes du bus se ferment et qu’il repart. L’homme jette un dernier regard à l’adolescente.
«
Accroche-toi à tes rêves petite. Laisse pas les cons te dire quoi faire. »
Tandis qu’il s’éloigne, Carol serre son livre contre elle. Plus de doute possible tandis que l’homme à la chemise aux couleurs du centre spatial et au badge estampillé NASA s’éloigne : elle va bosser dur et un jour, ce sera elle dans cette navette.
SALON DE LA MAISON DES DANVERS,
BOSTON, LE 8 JUIN 2008
Carol a les yeux rivés sur le journal de son père. Il n’a même pas pris la peine d’arrêter de lire son journal pour lui dire ça. « SIX MOIS APRES, LA RECONSTRUCTION DE LA PRISON AVANCE. OU SONT PASSES LES MUTANTS ? » Scande le titre, mais elle n’y porte pas beaucoup d’attention. D’une simple phrase, de la manière la plus détendue possible, son père vient de briser ses rêves.
-
Je… ne… Quoi ?! Dit-elle en haussant la voix. Le journal se baisse enfin, et elle peut voir le regard fatigué de son père. C’est le dimanche, il profite de la journée pour se reposer sur le perron de la maison. Le temps est dégagé et c’est une belle journée en ce début du mois de Juin.
-
Ne crie pas Carol, les voisins vont t’entendre… Dit-il simplement avant de vouloir reprendre sa lecture, interrompue à nouveau par la main de la jeune femme qui sera majeure dans quelques jours.
Que veux-tu que je te dise, c’est comme ça ! -
Mais pourquoi lui ! Pourquoi pas moi ! J’ai des meilleures notes que lui, je travaille plus dure alors qu’il ne pense qu’au football ! Je… -
Ça suffit, jeune fille ! La coupe-t-elle.
Nous en avons discuté avec ta mère, et nous pensons qu’il vaut mieux que ce soit ton frère qui aille à l’université. Son football, comme tu dis, pourra lui faire décrocher une bourse et il n’est pas si mauvais que tu le prétends ! Nous ne pouvons-nous permettre de vous envoyer tous les deux, alors il a fallu faire un choix !-
Un choix que TU as fait je suppose ! Tu as choisi Steve car c’est un garçon ! Tu n’as jamais eu l’intention que j’aille à l’université ! Des larmes commencent à rouler sur les joues de la blonde. Elle a refusé de le voir jusqu’à présent, mais cette révélation éclaire sa vie d’une nouvelle lumière. Le nombre de fois où son père n’est pas venu voir ses présentations et ses projets de science, où il préférait aller voir ses frères. Les larmes qui roulent sur ses joues ne sont pas de la tristesse, plutôt de la colère, une émotion mal contrôlée. Une voisine est apparue sur le terrain à côté. Carol peut sentir le regard de son père qui s’embrume à son tour de colère.
-
Voilà, j’espère que tu es fière de toi, petite. Dit-il d’un ton sec qui marque la fin de cette discussion. Ah, bonjour Miss Wyatts ! Non, pas de soucis, ne vous inquiétez pas, vous savez comment c’est à cet âge… Carol n’écoute même pas ce que dit Miss Wyatts, elle n’en a plus rien à faire. Son père vient de se mettre en travers de son chemin pour la dernière fois. Elle arrive même à être heureuse pour Steve, ce n’est pas de sa faute à lui, mais celle de Joseph Danvers, son père. L’idée commence à germer dans son esprit, elle a un mois pour le rendre applicable.
MAISON DES DANVERS, MILIEU DE LA NUIT
BOSTON, LE 28 JUIN 2008
-
Carol. Qu’est-ce que tu fais. La jeune femme, tout juste majeure de la veille, s’arrête sur le pas de la porte. Vêtements sombres, les cheveux noués en haut de son crâne, elle se retourne pour faire face à Steve, son cadet et le premier de ses deux frères.
-
Je pars, Steven. -
Je vois ça, sœurette, mais tu pars pour où ? Il a encore la voix embrumée de celui qui vient de se réveiller. En partant au milieu de la nuit, Carol espérait ne pas à avoir cette discussion.
-
Je ne peux pas te dire, Steve. Tu pourrais avoir envie de le dire à P’pa et Maman et ça, je n’ai pas envie. -
C’est à propos de l’université ? Si ce n’est que ça, je peux lui dire, que j’n’ai pas envie d’y aller, que c’est à toi d’y aller. La blonde peut sentir le coin de ses yeux qui commencent à s’humidifier. Elle ne peut pas accepter. Si elle ne part pas maintenant, elle ne fera rien de sa vie. Elle se retrouvera coincée ici, à Boston, pour le reste de sa vie, elle le sait. Son père n’acceptera pas le requête de Steve et, au pire, ce sera Joseph Jr. qui ira. Le manque de lumière est propice, pour que Steve ne voit pas la larme qui coule le long de la joue de sa grande sœur.
-
Ecoute, Steve… J’ai fait mon choix et rien ne m’en changera maintenant. J’aurai aimé que ce soit différent, mais la vie, ce n’est pas toujours ce que l’on veut que ça soit. Il est temps que je trouve…-
Tes propres ailes. Dit-il en souriant. Elle se mord l’intérieur de la joue. Steve va lui manquer, Joseph Jr aussi, sa mère également. Elle marque un temps d’arrêt mental sur son père également. C’est étrange, la mémoire, elle choisit les pires moments pour se rappeler des meilleurs. Une nouvelle larme coule sur les joues de Carol, elle ne sait pas quoi répondre.
Allez, file, j’entends du bruit. Sûrement P’pa ou Maman qui se lève à cause de notre discussion. -
Steve… Je… Elle fait un pas dans la maison, mais c’est lui qui la repousse par la porte, un sourire aux lèvres.
-
Vis ta vie, sœurette. Voles de tes propres ailes. Elle a à peine le temps de plonger derrière les buissons qui entourent le perron qu’elle entend la voix de sa mère.
-
A qui parles-tu, Steve ? Demande-t-elle en baillant.
-
Ca grattait à la porte, c’est le petit chat roux et blanc. J’allais lui mettre un peu d’eau, mais il est parti. Carol entend sa mère qui se sert un verre d’eau.
-
Ah. Bien, c’est gentil de ta part Steve. Carol entend les pas qui s’éloignent et la porte qui se referme.
Carol ne le sait pas, mais c’était la dernière qu’elle voyait Steven Danvers, qui sera tué lors d’une opération militaire quatre ans plus tard.
COULOIR AÉRIEN SURVOLANT LA BANDE DE GAZA
LE 13 JUILLET 2010, 09H53M
-
Ace, ici Central, vous me recevez ? Un léger grésillement se fait entendre dans le casque qui passe sur les oreilles de l’opérateur sur le porte-avion, actuellement situé dans les eaux internationales.
-
Central, ici Ace, tout roule pour moi. C’est le top, votre engin. La voix de Carol est vaguement transformée par l’intercom de l’avion qu’elle pilote actuellement, un modèle supersonique expérimentale. Jugée meilleure pilote actuelle, d’où son surnom, elle a été choisie pour faire les essais en réel : une mission de reconnaissance au-dessus de la Bande de Gaza, depuis l’Egypte, Israel, Jordanie, un morceau d’Irak, Syrie puis Turquie. Un vol rapide, à bonne hauteur, afin de prendre en photographie des zones supposées sensibles.
Central, j’entame l’approche de la partie A-14. -
Bien reçu, Ace. Nous recevons les photos. L’écran affiche en instantané les clichés de l’appareil embarqué sur l’écran d’ordinateur devant l’opérateur. Il fait la moue en passant les clichés les uns après les autres.
Elles ne sont pas aussi précises que voulue. C’est dommage, il faudra revoir les paramètres. -
Je peux descendre, central. On va essayer pour la zone A-15. Vous me direz si ça vous convient. Jack, l’opérateur, peut sentir la voix enjouée de la pilote. Il l’a jugé un peu jeune pour la mission, mais il doit se rendre à l’évidence, elle est unique en son genre et il comprend pourquoi on lui donne le surnom de Ace. Déterminée et volontaire, il n’a pas eu à se répéter une seule fois durant le briefing. Il pianote sur son clavier les dernières entrées dans le registre, qui permettra un compte-rendu des plus précis. Il ne fait pas attention aux grésillements qui s’amplifient dans le communicateur. La réception est mauvaise ici, avec tous les brouilleurs installés.
-
Ne prenez pas de risque, Ace. Dit-il en suivant l’avancée radar de l’avion sur un autre moniteur. Une image satellite de la zone et le triangle symbolisant Danvers. L’image saute durant une seconde, une seconde où Jack ne voit plus le dit triangle.
Ace ? Pas de réponses sur ça ? On m’a pourtant assuré que vous avez de la répartie ? Une seconde, qui se transforme en quatre, puis en dix. L’inquiétude nait en son esprit.
Ace ? Vous me recevez ? Il fait tourner son siège pour être en face du moniteur de surveillance. Les coordonnées… Se dit-il, ce n’est pas les bonnes. Il bouge la souris… Sans réponse sur l’écran.
Danvers ! Répondez-moi Danvers ! Il commence à s’inquiéter et tape le côté de l’écran, qui saute à nouveau. Les coordonnées sont les bonnes cette fois. L’avion devrait se situer en A-17 désormais, mais le triangle n’apparait plus.
L’alerte est donnée aussitôt, mais les recherches sont infructueuses. Trois jours plus tard, Carol Danvers est déclarée KIA.
Kill In Action.QUELQUE PART EN SYRIE, PLANQUE DE LA C.I.A.
LE 18 AOUT 2010