[Mission] In Sapiens we trust

"In Sapiens we trust"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Mathias

            La menace semblait avoir fait son effet, elle fait toujours son effet sur les esprits un peu faible. D’après le manuscrit que Strange m’a donné pour m’aider à comprendre un peu plus le monde occulte, le chapitre dédié au vampire explique que certaines espèces inspiraient naturellement la peur chez les humains lambdas, déjà par leur apparence horrible, quand d’autres étaient anormalement beau. Une beauté qui n’avait rien de physique au vu de la description que Strange en faisait d’eux, les vampires semblaient tous majoritairement plutôt moches ou effrayants à regarder : figure pâle, visage creux presque osseux, yeux rouges, certaines apparences correspondant même à la description du célèbre Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau. Mais il semblait que la plupart d’entre eux eussent des sortes de phéromones qui agissaient sur ceux des humains, attisant leur peur ou leur désire. Je ne savais pas vraiment de quelle espèce mon père appartenait et pourquoi je pouvais grogner de manière si repoussante.
           Mais en tout cas, mon râle d’outre-tombe avait créé une hésitation dans le cœur de l’homme masqué, je l’entendais au son de ses battements et toujours à l’odeur que dégageait malgré lui les pores de sa peau. Mais cela me faisait comprendre autre chose, ces types n’avaient rien avoir ceux qui avaient attaqué la foire du trône, un an plus tôt. Déjà, si c’était un combattant déterminé, un grognement même surnaturel ne l’aurait sans doute pas freiné. Je pris alors le temps d’observer autour de moi, pour constater que leur démarche organisée de leur entrée fracassante, une démarche presque militaire avait désormais totalement disparu. On aurait dit de simples voyous tentant de foutre le plus possible le boxons. Leurs mouvements si coordonnés au début, n’étaient-ils donc qu’une simple mise en scène ? Pourtant, il fallait bien une tête pensante pour ne serait-ce que rassembler autant d’idiots, aux croyances déformées par la haine. Qui était leur chef ? Les odeurs se mélangeant davantage dans l’air, m’empêchaient de trouver la moindre trace qui pouvait m’aider à repérer les parents de la petite, toujours en pleurs dans mes bras.

            Son étreinte autour de mon cou était devenue plus solide, il n’était donc plus question que je l’abandonne à son sort. Je fixais la petite intriguée, cela dit… N’avait-elle pas entendu mon grognement et n’avait-elle pas eu peur ? « Mu… Mutante… Sale mutante ! » Répéta l’homme comme un Mantra destiné à réveiller son courage. Je sentis soudainement une pression autour du poignet de ma main qui tenait le bas de la petite. Une queue dissimulée jusqu’à présent, s’était enroulée autour de mon avant-bras. La gosse était une mutante, une vraie de vrai… Mon regard se relava vers l’homme, me demandant s’il n’était pas assez fou pour s’en prendre à une enfant. Faisant claquer ma langue de frustration, je tentais alors de prendre la fuite. Il n’y avait aucun souci à ce que je puisse être la cible de ses dégénérés, tant que mon cœur ne risquait rien et que ma tête restait bien en place sur ma nuque, je pouvais encaisser ce qui me tombait sur la tronche.
           Mais c’était une autre histoire si la petite devenait elle-même une cible, je ne pouvais pas rester ici avec elle. Comme si le malheur et la malchance m’avaient pris pour cible, l’homme fut rejoint par plusieurs autres types qui me barraient alors le chemin, me cernant. « Les deux sont des mutantes, passant un message pour faire comprendre à ses aberrations que c’est notre pays ici ! » Que devais-je faire ? Le stress parcourait mes veines et faisait battre à mon tour mon cœur de plus en plus vite. Après observation, ils étaient devenus évidents que c’était de simples civils cachés sous des masques, ayant besoin de transmettre leur idéologie. Et même si leurs méthodes restaient mauvaises, ce n’était pas des criminels, du moins pas au niveau de ceux que j’ai pu rencontrer avec Johnny. Pourtant, je le sentais à la tension au niveau de mes muscles, je pourrais les déchirer comme du papier si je ne faisais aucun effort pour me restreindre. Ce qui me semblait être un challenge, maintenant que je tenais à protéger la petite coûte que coûte. « Laissez-nous passer, s’il vous plaît. »

           Demandais-je finalement, en espérant qu’il y avait des personnes douées de bons sens sous ses masques. J’étais une ado avec une enfant dans les bras, il faudrait être complètement aveuglée par une foi étrange ou être un sociopathe pour ne pas y être sensible et vouloir malgré tout nous brutaliser. Une chose était certaine… Si je ne retenais pas mes coups dans ce combat à venir, il y allait avoir des morts, ce qui desservirait grandement la cause des mutants. Car peu importe qui aurait commencé les hostilités, les victimes seraient les martyres des médias qui pointeraient la dangerosité des mutants, plus que le fait qu’ils aient simplement fait usage de légitime défense. À la manière dont certains policiers courageux payent le prix pour avoir défendu leur propre vie face à de dangereux délinquants. En effet, car malheureusement ce qu’on peut retenir de ses affaires-là, c’est qu’un flic blanc à tuer un jeune noir sans défense, occultant tout le contexte derrière ces décès.  
           Alors que quand un flic ou un mutant meurent, il n’y avait pas de Black Lives Matter pour apporter du support aux familles des victimes. C’était-là un triste constat de notre réalité… Aussi, je n’avais aucune intention de laisser la petite à son sort. J’espérais donc qu’ils abandonnent pour leur propre bien…
 

"In Sapiens we trust"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Mathias

            Une blonde arriva telle une tornade, attirant l’attention des hommes dans un acte se voulant désintéressé, mais qui, portant, m’offrait l’opportunité de sortir de ce bourbier. Pas le temps de montrer ma reconnaissance, ni même lui accorder ne serait-ce qu’un regard. Oui. Car dans mes bras se trouvait la priorité et je devais l’éloigner d’ici. Portant alors une main libre au niveau de la nuque de la petite, je concentrais mes forces dans mes jambes, en prenant un certain élan avant de tout simplement bondir au-dessus des hommes dans un saut typiquement vampirique. Et ce, dans un déplacement soudain et vif, si bien que l’œil humain peinait à en suivre le mouvement. Si j’étais plus rapide que le commun des mortels, l’impression de disparaître du coin de l’œil, de traverser quelques mètres en quelques secondes ou bondir sur de larges distances, n’étaient possible qu’en forçant un peu sur la puissance de mes jambes.
          C’était-là, plus fatiguant que de courir simplement dans une vitesse stable et continue, c’était donc un mouvement explosif qui trouvait son utilité dans ce genre d’évasion. J’atterrissais maladroitement sur un lampadaire, se tordant légèrement sous la force du choc. Bondissant de nouveau, je sautais alors de lampadaire en lampadaire, songeant qu’il valait mieux garder le privilège de la hauteur pour ne pas me retrouver avec l’enfant dans une embuscade similaire. « Nina !! » Le son semblait lointain, je n’arrivais d’ailleurs à l’entendre que grâce à mon ouïe hors du commun. Je m’arrêtais alors, je n’y voyais que dalle sans mes lunettes de protection. « C’est quoi ton nom, gamine ? » La gosse fermement agrippée à mon cou, se prononça dans une voix toute tremblante. « Ni… Ni... » Elle ne termina pas sa phrase, mais c’était amplement suffisant pour faire le lien entre la voix de cette femme qui criait désespérément le nom d’une personne qu'elle cherchait et le nom que la gosse égarée tentait de prononcer.

            La femme devait être sa mère… Du moins, la personne responsable d’elle. Je bondis pour redescendre au sol, me dirigeant vers la femme dont la voix finit par se faire entendre de Nina qui avait alors réagi aussitôt. « Maman ! » Cria-t-elle, les larmes à nouveau traçant leur chemin sur ses joues devenues poussiéreuses. La femme entendit sa fille et accourut vers moi, comme si sa vie en dépendait. Relâchant mon bras, la queue de l’enfant se déroula avant qu'elle ne saute au bras de sa mère. « S’il vous plaît, dirigez-vous vers l’évacuation. » Lui demandais-je alors qu’elle vînt agripper mon bras. « Merci, merci du fond du cœur ! » Je me contentais d’acquiescer de la tête, bien qu’intérieurement, j’étais convaincue de ne pas avoir fait grand-chose. Je ne devais la sûreté de Nina qu’à l’intervention de la blonde. D’ailleurs, je me demandais si ça allait pour elle, les hommes étaient nombreux et… Elle n’était qu’une humaine.
           Je rebroussais alors chemin pour revenir rapidement à l’endroit que j’avais quitté plutôt. Maintenant, que j’y pensais, la blonde, c’était la femme qui se tenait au côté du type qui avait sauvé Ashley. Peut-être faisait-elle partie de ces gens capables de se débrouiller ? Je devais être certaine que la blonde ne s’était pas mise en danger simplement pour donner une chance à la gamine. Cependant… Les choses s’envenimaient de plus en plus vite et de manière plus grave. Avec l’arrivée des renforts du côté des forces de l’ordre, la situation prenait la forme d’une rixe. Barricade de fortune d’un côté contre les boucliers de la justice de l’autre. L’odeur du sang m’indiquait qu’il y avait déjà des blessés dans chacun des camps. Au final, que cherchait donc à faire les Militants anti-Mutant, qu’est-ce que leur cause abjecte avait à gagner en s’en prenant aux autorités qui étaient tout sauf mutant à l’heure actuelle ?
 

"In Sapiens we trust"

Quand les corbeaux chantent, c'est votre ombre que la mort hante... - Mathias

            Debout, je contemplais toute cette agitation, cette violence exacerbée par le camp des militants que les forces de l’ordre peinaient à calmer. N’ayant plus la responsabilité d’une vie sur mes épaules, rien ne me retenait ici. Mais l’occasion était trop belle pour ne pas un peu s’exercer aux premières leçons de Clea… Prendre la route avec elle, s’accompagnerait d’un rude apprentissage pour me rendre plus compétente. J’avais beau être physiquement supérieur à un être humain, ma force, mon agilité ou mes sens, je ne savais pas les utiliser intelligemment. C’était un fait. Si mes capacités faisaient partie d’un joyau, il me fallait encore en polir la surface brute. Avec Strange, j’ai pu cultiver mes connaissances dans le domaine magique, il n’était pas question d’apprendre la magie, mais d’en connaître l’existence et ses nombreux dangers. Avec Johnny, j’avais acquis la force de résister à mes pulsions dans une certaine limite. Clea, pour sa part, elle avait l'intention de m’apprendre à utiliser de manière plus efficace mes facultés innées.
          Toutefois, pour ne pas déjà mettre à profit ce qu’elle m’a déjà demandé de faire, à savoir apprendre à la concentration sensorielle, et ce, en commençant par mon Ouïe. Clea me fit part du fait que les sens sur-développés pouvaient avoir pour défaut de capter énormément d’information que le cerveau devait prendre le temps de trier. Pendant son absence, j’avais aussi pour mission d’entraîner petit à petit ma perception, tout en profitant des festivités, c’était notamment l’une des raisons pour laquelle je restais en mouvement. Percevoir les odeurs de stand, écouter les musiciens. Au fond, ça ne donnait rien de nouveau, du moins rien que je ne savais déjà faire, notamment, car je ne savais pas encore comment appliquer cette concentration dont parlait Clea. Cependant, maintenant, que la situation avait autant empiré, que l’adrénaline faisait battre mon cœur de plus en plus vite, j’étais persuadée que j’étais plus apte à mettre en pratique ce petit entraînement.

         Je bondis à nouveau pour être hors de porter des quelques inconscients qui venaient frapper aveuglément ceux qui n’étaient pas masqués, sans toutefois être à l’abri des projectiles. Encore que depuis les hauteurs, je n’avais sans doute pas à craindre d’être frontalement touchée. Au mieux, aussi maladroit qu’étaient les militants au corps-à-corps, possible qu’ils n'avaient aucune précision par manque d’entraînement ou de dextérité. Ce fut d’ailleurs à ce moment que sur plusieurs points des lieux, d'épaisses fumées se propageait à travers les rues. La couleur verdâtre rappelait la brume qui avait tué plusieurs mutants, lors du Meeting Pro-Liesmith en octobre 2018. Et si je m’en rappelais, c’était surtout parce que j’étais avec George au moment où l’on assistait aux news. Il avait pas mal commenté le sujet comme pour m'enseigner quelque chose malgré mon désintérêt le plus total. En même temps, j’avais 13 ans à cette époque et je commençais progressivement à entrer dans cette période de rébellion et d’insouciance qui allait faire de moi une chieuse au collège et au Lycée.
        Je crois d’ailleurs que ce fut quelques jours avant mes 14 ans, que j’avais choisi de teinter mes cheveux pour la première fois afin de me la jouer Dark Sasuke. Mais peu importe, était-ce vraiment bien du Terragène que les militants utilisaient ? La question devait se poser, car à présent, il n’était plus question d’une altercation ordinaire entre des militants remonter et des forces de l’ordre comme on peut souvent le voir dans d’autres types de contexte. Là, c’était clairement une attaque ciblée. Comment ces gens avaient-ils pu mettre la main sur cette arme chimique ? Cela ne me semblait pas à porter du premier civil… Un groupe para-militaire serait plus crédible dans l’acquisition d’une si dangereuse technologie ? Finalement, le tout commençait à prendre l’apparence d’une attaque de plus en plus réfléchit. Et si ce chaos était ce qu’avait recherché le groupe depuis le début ? Non… C’était stupide.

          Si les mutants étaient leur cible depuis le début, pourquoi attendre les renforts de la police et l’évacuation de la plupart des civils mutants pour commencer à utiliser le Terragène ? N’aurait-il pas mieux fallut en faire l’usage dès leur arrivée ? J’avais du mal à comprendre… Je fermais les yeux et revins sur mon entraînement… La concentration sensorielle en commençant par l’Ouïe. Clea m’a dit qu’il y avait une différence entre entendre les sons machinalement et prendre le temps d’écouter attentivement, même pour une personne normale. En effet, dans l’obscurité, même une personne normale allait prêter attention à des sons qu’elle ignorerait en temps normal, sans doute dû à la peur et d’autre élément lié à l'obscurité. La concentration, dont parlait Clea, était très légèrement similaire, l’idée étant de faire attention aux sons à laquelle je faisais abstraction en temps normal. Et c’était difficile… Entre les chahuts généraux, les cris de panique ou de haine, le son des chocs intempestifs contre les boucliers mis à l’épreuve, j'entendais trop de choses à la fois.
         Après un moment qui me semblait être une éternité sans parvenir à réellement faire fi des sons finalement parasites, je parvins à entendre une note plus ou moins différente et discrète. Après un moment à tenter de la discerner, je réalisais que ça ressemblait à une forme d’inspiration et expiration obstruée. Je me redressais sur le lampadaire pour me laisser tomber vers le sol. La brume ne semblait pas affecter les Militants, est-ce que la personne que j’entendais, était porteur du gène X. Je ne pouvais qu’espérer qu’il ne s’agissait pas de la petite que je venais de rendre à sa mère. Il était possible que la mère ne porte pas de gène X, je n'ai rien vu chez elle qui faisait mutant et que seule la petite puisse être affecté par le terragène. Un scénario qui ne me plaisait pas du tout. Je commençais à courir en direction du son en question, plus j’approchais, plus ce denier semblait se trouver finalement à l’opposé de l’endroit où les civils se dirigeaient pour évacuer où s'était justement dirigée la mère et l'enfant. Quand j’arrivais sur place, près du voiture, deux hommes se trouvaient accroupis, le premier semblait être un agent des forces de l’ordre, le second… Celui que j’avais croisé un an plus tôt.

            Sa réaction était bizarre… Est-ce que c’était un mutant ? « Hey… Tu veux de l’aide ! » Demandais-je en approchant. « Fais uniquement un signe de tête pour répondre. » Mieux valait pour lui qu’il évite d’ouvrir la bouche même pour parler.