[Mission] L'arbre qui cache la forêt

"L'arbre qui cache la forêt"

Personne à qui dire je t’aime, mais tout le monde sur qui cracher ma haine… - Mathias

           Coordonner ses actions avec Peter serait sans doute la chose la plus sage que pourrait réaliser la jeune immortelle, afin de garantir la sécurité des civils, dont certains ne semblaient toujours pas prendre au sérieux ce qui se passait ici. Rien de plus normal lorsqu’on y réfléchissait un tant soit peu. Face au danger, la première démarche de l’esprit était de rationaliser la situation, un mécanisme de défense psychologique qui n’était pas propre qu’à un individu. L’on pouvait réagir avec moquerie, dénie ou faignant l’ignorance comme si en prenant ce genre d’attitude, ils écartaient la possibilité que le danger se manifeste réellement et bouleverse leur petit univers. Mathias fut de cela à l’époque où elle voulait croire que si elle vivait comme une humaine, sa part vampirique serait un jour qu’un mauvais rêve. Mais il avait bien fallu qu’elle se réveille et qu’elle accepte que la réalité n’en avait rien à foutre de ce qu’elle pouvait croire ou espérer afin d'apaiser son esprit fragile.

Le cirque, Shoshone, le road trip avec le Rider et l’entraînement avec Clea avaient bien vite fait de démolir ce qui faisait de Mathias une gosse vivant de sa fantaisie d'adolescente. Aussi, pour les mêmes raisons, elle avait bien trop vue et bien trop subi pour ne serait-ce qu’être étonnée ici de découvrir une nouvelle espèce de créature. Les choses que Clea l’avait forcé à affronter dans la dimension noire lui semblaient bien plus horribles, sans oublier le démon de Shoshone. Bizarrement, mentalement, elle n’arrivait aucunement à voir ces créatures comme des monstres, comme elle venait de l’entendre d’un des civils. Sans doute, parce qu’elle considérait elle-même en être un, songeant ainsi que cette appellation n’était finalement qu’un terme péjoratif. Pour en revenir à Peter, si Mathias avait fait le choix de partir de son côté, c’était surtout parce qu’ils ne se connaissaient pas assez sur le terrain pour établir une stratégie appropriée. En effet, l’un comme l’autre pouvaient se gêner mutuellement, et ce, involontairement.

Peter lui avait confirmé lors de leur dernière rencontre qu’il était bien devenu un avengers, il était donc probable que sa manière de combattre prenait en compte une formation de groupe que la semi-vampire n’avait jamais appris. Sa seule véritable expérience fut à Shoshone et très honnêtement, ce n’était pas un franc succès. Elle était pour le moment plus efficace de son côté, mais elle restait toutefois à l’écoute de ce qui se passait autour d’elle. Si l’on demandait l’assistance de l’adolescente, Mathias ferait évidemment le nécessaire pour intervenir dans la mesure du possible. Elle ignorait à quel point ces créatures étaient forte ou fragile, mais elle préférait ne prendre aucun risque quant à la vie des civils sur place. Aussi, elle prit la décision de prendre en main ses saïs, pour stopper l’assaut d’une d’entre elle sur une personne qui avait tardé à suivre le mouvement pour quitter le parc. La priorité : empêcher ces choses de s’en prendre à ceux ne pouvant se défendre.   
 

"L'arbre qui cache la forêt"

Personne à qui dire je t’aime, mais tout le monde sur qui cracher ma haine… - Mathias

           Les créatures étaient, semble-t-il, d’une constitution fragile. Ce n’était pas la première fois que Mathias frappait un être-vivant avec autant de force et elle réalisait que même avec une créature dont l’origine n’avait rien d’humaine, à première vue, inconsciemment elle continuait à se restreindre. Elle avait toujours eu peur de sa force, issue du fait qu’elle était responsable de la mort de bien des personnes sous l’effet de la frénésie, dont sa propre mère avait été l’une des victimes. Même si son parrain, lui disait de son vivant, que Marianne s’était sacrifiée pour lui permettre de survivre. Ces choses étaient assurément d’une constitution différente de celle des existences organiques communes et connues, leur odeur n’avait rien de repoussant, mais rien de séduisant pour une semi-vampire. Pas de sang, même animal, que l’instinct vampirique de l’adolescente aurait pu reconnaître. Elle avait simplement l’impression d’être cernée par l’environnement lui-même.
         Oui… C’était comme si la nature avait pris forme en ces choses, Mathias n’arrivait d’ailleurs pas vraiment à discerner les créatures en usant uniquement de son odorat, comme si les effluves de celles-ci étaient inexistants. Pourtant, elles étaient bien présentes, mais similaires à celles que les plantes normales lâchaient elles-mêmes pour attirer les pollinisateurs qu’étaient les insectes. Se pouvait-il que ces choses soient réellement d’origine végétale ? Qu’est-ce qui pouvait alors concrètement les abattre ? Les végétaux n’avaient pas de sang, pas de cœur, pas de poumons, ni même de cerveau… Et pour sûr, Mathias ne savait rien de ces existences sorties de nulle part. C’était davantage pour cette raison qu’elle se montrait prudente et préférait défendre ceux qui étaient pris pour cible. Elle entend la voix de Peter qui s’adressait à elle directement, remarquant par ailleurs qu’il avait soigneusement pris soin d’éviter d’exposer son nom même si peu y prêterait actuellement attention.

         Elle savait que cette histoire d’identité était importante pour Peter Parker, d’où cette alter-ego du nom de Spider-Man. Mais à la différence de Peter, Mathias n’avait ni ami, ni famille à protéger de son choix de combattre le crime, parfois si ouvertement comme aujourd’hui. Elle n’avait… Oui... Rien à perdre. C’est pourquoi elle ne se cachait pas vraiment. Si elle était revenue à une vie plus quotidienne, plus ordinaire, en réalité, elle avait appris à ne plus porter une si grande attache à la normalité comme à l’époque où elle se rêvait d’être humaine. Peter voulait se concentrer sur les créatures, indiquant à la petite immortelle deux hommes qui se concentraient de guider les plus retardataires. Elle s’attarda sur l’un deux qui était, au vu de ce qu’il tenait dans sa main, aveugle. Se disant que l’homme devrait être guidé plutôt qu’être le guide. Pour autant, elle voulait faire confiance au jugement de l’homme araignée, il avait assurément plus d’expérience que l’adolescente pour ce genre de situation incongrue.
          Elle acquiesça alors de la tête avant d’inspirer un moment, les muscles tendus elle se déplaçait alors avec plus de vitesse, plus d’agressivité sans pourtant perdre l’efficacité et la technicité de l'art du combat faltine, enseignée par Clea. Tout ceci, en écoutant la suggestion de héros non loin d'elle… En dépit de ce que pouvaient croire les gens, les végétaux étaient difficilement inflammables dû à leur taux d’humidité naturel. Si les plantes servaient de conducteur en cas d’incendie, étant souvent la cause de sa propagation, les plus dangereuses restaient en vérité les plantes les plus fines et surtout, les plus sèches. « J’ignore si leur anatomie est en tout point similaire à celui d’un végétal et du coup, de quelle plante en particulier ces créatures pourraient être issue… Mais garde en tête qu'ils pourraient tout aussi bien prendre rapidement feu que d’être ignifugés à ce dernier. » Certains types de plante comme les cactus, qui sont gorgés d’eau, produisent une sorte de gel qui leur permette de résister à la chaleur et même aux incendies jusqu’à un certain degré. Et en Californie, ce n'est pas ce qui manque des cactus.

           Le problème, c’était que pour le moment personne ne savait quoi que ce soit sur la constitution de cette étrange espèce. Dans le doute, Mathias envisageait pour sa part d’utiliser la brutalité pure de ses attaques afin de démembrer ces choses au moins pour voir si cela suffisait à les neutraliser ou les empêcher de bouger. Mais un rugissement à la sonorité qui n’avait rien d’animal et la portée cyclopéenne vint à surprendre la dhampyr à l’Ouïe sensible. Pour autant, elle ne laissa pas la douleur la ralentir ou affecter sa concentration. Ayant réussi à garder son calme, elle se contenta d’observer la situation, notamment pas la réaction des créatures autour d’elle. Ce qu’elle comprenait, du moins, de son point de vue. C’était qu’il venait sans doute d'y avoir une forme de communication primitive entre elles. La chose avait alerté l’arrivée de sa présence, elles y avaient indubitablement réagi. Est-ce qu’il s’agissait d’un assaut réfléchi ?
            La créature était immense, assurément plus robuste que celles qui avaient fait leur entrée en premier lieu dans ce parc… Pas le temps de réfléchir pour la lycéenne qui se demandait tout de même d’où pouvait venir ces choses ? Comment un géant avait-il pu passer inaperçu jusqu'à maintenant ? Peter était projeté sur plusieurs mètres après un seul coup, Mathias fonça alors bondissant pour atteindre la nuque fait de liane de la chose, y plantant la lame d’un de ses saïs à plusieurs reprises pour sectionner son écorce et frapper toujours plus loin dans cette chair végétale.