Merde. Il voyait bien que Rick avait l’air plus ou moins contrarié, et Billy n’aimait rien moins que contrarier son homme. Complètement sous le charme, que voulez-vous… Pourtant, il ne pouvait pas – ne voulait pas – laisser Eilis toute seule, tout de suite. Il voulait profiter un peu d’elle, prendre l’air, et autant lier l’utile à l’agréable en prenant Ammy. Allez, Rick, ne fait pas la tête, tu sais bien que je t’aime. Oh et puis s’il devait se faire bouder ce soir, il aurait toujours une bonne excuse, désolé de venir du futur. Il rejoignit Eilis à l’extérieur en essayant de refouler ses quelques remords au fond de son esprit. La chienne semblait être la seule des trois à être parfaitement heureuse et à avoir le cœur léger, et Billy nota qu’Eilis gardait ses distances avec elle. Il esquissa un léger sourire ; elle n’était pourtant pas méchante pour deux sous, adorable tant qu’on ne tentait pas de s’en prendre à son maître… Peut-être qu’il aurait mieux fait de la laisser à Rick, finalement, au cas où. Arrête d’être aussi parano, Billy.
Eilis attrapa son bras libre, et il lui adressa un léger sourire. L’air frais du soir qui tombait doucement lui faisait du bien. La tension dans l’appartement en avait rendu l’air étouffant, pensant, et ici il lui semblait pouvoir enfin respirer. A ses paroles, le mutant retint un léger rire. Ils auraient pu rester chez Rick, ou lui acheter quelque chose à manger avant de sortir. Billy avait un contrat mental qui l’empêchait de manger n’importe quelle douceur ne venant pas de la pâtisserie. Mais il pouvait faire des concessions, pour une fois.
« Allez. Va pour une glace. Ammy attendra son dîner, je ne veux pas lui donner n’importe quoi sans l’accord de Rick. »parce que je ne suis pas très doué avec les chiens – mais ça Billy ne l’avouerai pas. « Merci. » fit-il avec un sourire.
Ses questions ne plaisaient pas forcément à son filleul, mais il les comprenait. Si les questions que pouvaient avoir Rick lui semblait purement innocente, grâce au fait qu’il ne l’avait pas connu dans le futur, il restait méfiant sur celles d’Eilis. Oh ! Il savait bien qu’elles étaient aussi innocentes, mais il avait peur de révéler quelque élément qui pourrait influencer sur son futur. Il pinça légèrement les lèvres, répondant comme il le pouvait ;
« Dans le futur, les mutants et humains lambdas sont… « Séparés ». Enfin. Il y a des classes de non-humains, où on apprend à gérer nos mutations, et ce genre de choses totalement inutiles aux humains. Puis il y a les cours communs, comme l’Histoire, ce genre de choses… Il n’y a plus de tensions entre nous, de toute façon cela serait futile, vu que des aliens sont installés sur Terre et que nous pouvons voyager dans l’espace. » Un sourire rêveur s’étira sur ses lèvres. Il eut une pensée éphémère pour Rayia, son premier amour – une Alien verte. « Je rêvais d’être astronaute. Enfin. Un voyageur interstellaire. A la place, je suis un voyageur temporel égaré… »
Il lâcha un léger soupire, avant de la regarder avec les yeux brillants. Surpris. Son expression dû d’ailleurs se lire dans son visage, sur le coup trop choqué pour répondre tout de suite. Jack ? Comme Jackson. Comme le surnom de son frère… Enfin, le surnom du fils d’Eilis. Jackson, son Jack, leur Jack. Il ne lui avait pourtant rien dit. Son regard glissa un instant devant eux, le posant sur Ammy qui avait l’air si insouciante, si loin de tous les soucis que se posaient les humains. Parfois, il enviait les animaux.
« Oui, tu nous mitraillait. Un peu, beaucoup, je ne sais plus trop, mais oui, tu prenais toujours – encore – des photos. Quand à ta mutation… Il me semble que je l’ai toujours su, oui. »
Il esquissa un sourire. Elle verrait l’époque d’où il venait, sans aucun doute, puisqu’elle était sa marraine. Elle devrait juste attendre quelques années, mais elle le verrait, c’était certain – peut-importe la théorie du chaos à laquelle elle faisait référence. Son regard dévia à nouveau. Est-ce qu’il avait des regrets ? Oui, il en avait, même s’il ne regrettait absolument pas. Sa gorge se serra un peu, et il pris une grande inspiration pour faire passer tout ça.
« Oui, j’en ai quelques-uns. Comme n’avoir pu dire au-revoir à ma famille, qui doit certainement être… Je ne sais pas, je dois leur manquer, je suppose. Ils ont perdu leur fils unique. Je n’ai aucun moyen de savoir si la vie continue, là-bas, ou si… » son cœur se serra à son tour. « Ou si un jour je vais refaire surface là-bas. On ne sait jamais, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, je suis dans le noir total, et, bordel, j’ai peur. Si j’ai quelques regrets, je n’en ai plus aucun à vivre ici ; y’a plus rien pour moi, dans le futur. Toute ma vie est ici, le Queen’s, Rick… » Il serra les mâchoires. Il n’aimait pas penser à cette possibilité de disparaître d’un coup. « Il n’y a absolument aucune raison que je disparaisse. Vous n’avez pas la technologie, je ne porte plus mon bracelet temporel… Peut-être que je ne serai pas encore mort en 2080, et que je prendrais contact avec mes vieux parents ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas si là-bas le temps est suspendu et si pendant qu’ici je vais vivre 80 ans il ne se sera écoulé que 8 minutes, ou si ils continuent à vivre sans aucune nouvelle, sans rien. Je crois que quelque part, je préfèrerai ça. »
Il laissa un léger silence s’étirer, le temps de se calmer et de reprendre le contrôle de lui-même. Il n’y avait pas grand monde avec qui il pouvait parler de ça. En fait, à part Eilis, il n’y avait personne ; car s’il parlait parfois du futur avec son cher Richard, il ne lui faisait pas part de ses craintes les plus fortes concernant son avenir, ou son passé, il ne savait pas comment qualifier tout ça, afin de ne pas l’effrayer et lui faire craindre que Billy pouvait disparaître du jour au lendemain. Mais il y avait une autre chose qui effrayait le confrériste, à propos de lui-même plus que son entourage ;
« Je ne sais pas si je peux répondre à toutes tes questions, alors... Je suis désolée si j’ai paru en oublier certaine. Je ne sais pas si je suis une erreur temporelle et que je risque de modifier tout mon futur, ou si ce voyage temporel était déjà écrit. Je ne sais pas si ce que je te révèle va changer absolument tout ce que je connais, ou si tout ce que je connais existe grâce à ce que je t’ai dit. Je ne sais pas si je suis… Normal, ou si je suis une putain d’erreur temporelle obligé de vivre sa vie en boucle sans le savoir. »
Il serra la laisse entre ses doigts, faisant blanchir les jointures, avant de prendre une grande inspiration et de poser son regard sur la jeune femme. Pourquoi il lui disait tout ça ? Parce qu’il avait peur, qu’il voulait être rassuré, mais personne ne pourrait jamais le rassurer parce que personne ne connaissait assez bien les méandres du temps pour répondre à toutes les questions qu’il se posait. Il se sentait égoïste. Con.
« Désolé… Je… Je m’emporte un peu. Hm… Et, sinon… A part toutes ce bordel temporel… Ca va toi ?... » Qu’on parle un peu d’Eilis, tien. Il allait finir par se sentir vraiment mal si personne ne l’empêchait de parler de lui. Il n’en avait pas vraiment envie, en fait. Et il ne voulait surtout pas laisser échapper qu’Eilis, sa marraine du future, avait toujours su qu’il allait revenir dans le passé. Donc, qu’il avait déjà vécu, en quelques sorte, ce qu’il vivait actuellement. Et que ça le rendait malade. Il ne voulait pas qu’elle s’en veuille non plus de l’avoir laissé partir sans le prévenir de rien. Sa vie était un gros bordel, un océan de souffrance trop profond pour un seul homme et, actuellement, le Queen’s et plus particulièrement Rick était la bouée qui lui permettait de ne pas s’y noyer. D’être heureux, d’oublier qu’il n’était pas normal. Qu’il était une erreur ?...
Accueil 
