Dans la tête du Mug, tous les mecs du gouvernement peuvent bien aller se faire foutre. Il n’en a rien à faire des New-yorkais. Si ça n’avait été que de lui, il les aurait tous laissé se démerder dans leur ville. Quelques humains de plus ou de moins, qu’est-ce que ça aurait changé de toute façon ? Ils sont déjà beaucoup trop nombreux pour leurs propres ressources planétaire. Les laissés crever aurait rendu service à l’espèce, à l’humble avis du serpent. Mais personne ne l’écoute, son avis. À grommeler tout seul il n’a l’air que d’un vieille ivrogne fou qui ronchonne en regardant les infos, assis à un bar aussi crasseux que lui, une main vissée à une bouteille de bière et l’autre plongée dans un plat de nachos au fromage.
Comme dit précédemment, Mug n’aime pas la politique. Il méprise trop l’espèce humaine en son ensemble pour ne serait-ce que suivre un peu la campagne électorale. Il ne sait pas qui est cette fille ou bien même ce qu’elle propose. Il s’en fout. La démocratie, ce n’est pas tout à fait dans les habitudes du monstre. Sa perception du monde se limite d’avantage à la loi du plus fort. Manger ou être manger. Littéralement. Vous voyez ce que je veux dire ? Toujours est-il que ça lui ferait vachement plaisir qu’elle gagne cette course à la noix. Pourquoi ? Pour assister à la défaite du « président Liesmith ». Cet homme a dans les yeux une lueur verte et sournoise plutôt familière qui a pour manie de l’agacer jusqu’à le rendre agressif. Parce que, bon… Quel indigne fils ne reconnaîtrait pas le regard de son propre père ?
Mug n’a pas participé à la reprise d’Àsgard. Non seulement parce qu’il ne suivait les idéaux ni d’un parti, ni de l’autre, mais bien surtout parce qu’il était en prison pour voie de fait. Le plus grand désavantage à être coincé dans un corps de Terrien, c’est de devoir faire face à l’injuste et mal tournée justice humaine. Il aurait bien aimé profité de le Guerre et du sommeil d’Odin pour foutre la merde partout, tuer des Àsgardiens et conquérir le royaume des Dieux, mais non. À la place, il regardait Stark faire sa nunuche aux nouvelles, depuis l’écran de la télé commune en tôle. Un plaisir presque aussi grand.
LA LÉGENDEJörmungand est le premier fils de Loki, fils d’Odin et de la géante des glaces Angrboda. Il est le frère du loup géant Fenrir et de Hela, la déesse des enfers. Ayant l’espérance de vie de sa véritable espèce – celles des Jötunns – il est né il y a plusieurs centaines d’années maintenant : il en a perdu le compte.
Il ne garde que très peu de souvenirs de son enfance. Ils ne sont pourtant pas des plus mauvais, bien au contraire. C’est sans doute ce qui mélange la mélancolie des souvenirs avec autant d’amertume. De nature plutôt bestiale, dû à sa nature de serpent, Jörmungand à d’avantage de souvenirs des sentiments qu’il a pût percevoir lui-même ou bien chez les autres que d’anecdotes précises. Il se souvient de l’amour de sa mère et de toute sa hargne lorsque ses enfants lui ont été arrachés. Les uns après les autres, comme dans un film d’horreur. Un prophète avait prédit le Ragnarök : la fin du royaume d’Àsgard, causée, en partie, par nul autre que les trois abominables enfants du dieu Loki. C’est afin de le contré qu’Odin lui-même a pris la décision de se débarrasser de sa descendance. Jeté du haut d’Àsgard jusqu’à l’océan de Midgard, Jörmungand n’apprendra jamais les destins tout aussi funestes de son frère et de sa sœur.
C’est en atterrissant dans l’immense masse d’eau sombre qui régnait sur un monde qui n’était pas le sien que le Serpent ressentit pour la première fois le froid de la solitude. Laissé à lui-même, il ne mourût pas cependant. Tout le moins, pas physiquement. Il grandit au cœur des abysses et, au fil du temps, cela ne cessa pas. Ce fût ce froid glacial qui finit par refermer ses blessures en s’infiltrant dans son âme pour transformer le vermisseau insignifiant qu’il fût en bête solitaire, agressive et pleine de rage. Une bête immense qui jamais ne cessa de grandir, nageant bientôt dans toutes les eaux de Midgard simultanément avant de finalement être si long, qu’il pût mordre sa propre queue après avoir fait le tour du monde de son corps. Ce fût sa forme éthérée qui lui permit de rester en grande partie inaperçu. Il n’en resta pas moins connu de quelques peuples anciens qu’il croisa en haute mer. À quelques reprises dans l’histoire humaine, il fût redouté et vénéré, aujourd’hui, pourtant, il n’est qu’un mythe pour la plupart des Midgardiens. Mug, il n’en a pas grand-chose à faire pourtant. Ce qui l’importe, ce sont les Àsgardiens. Depuis que la tristesse s’est changée en hargne, il n’a qu’une idée en tête : se venger. À quelques reprises il tenta de prendre Àsgard à ses processeurs afin de la réduire à feu et à sang sans jamais parvenir à ses fins. Pour tout dire, il ne fût même pas capable de vaincre Thor en duel.
Fou de rage, Jörmungand retourna se tapir dans les eaux de Midgard attendant, cette fois, patiemment son heure. Lorsqu’il apprit finalement qu’Odin commençait enfin à faiblir et que ses fils n’étaient plus sur Àsgard, le serpent monde y vit sa chance. En une énième tentative, il infiltra la demeure des Dieux en revêtant la peau d’un soldat Àsgardien. Son plan, qui avait paru brillant, fût une nouvelle fois contré et, cette fois, par Odin lui-même. Démasqué, le Serpent eut à peine le temps de faire des dommages en tuant quelques soldats. Alors même qu’il reprenait sa forme initiale pour foncer sur Odin, celui-ci, maintenant aussi furieux que la bête, fit s’abattre avec véhémence son pouvoir sur l’ennemi, le percutant de plein fouet. Dans une décharge lumineuse, le Dieu renvoya directement vers Midgard le corps évanoui d’un humain, damnant ainsi la bête à une vie de misérable. Décrétant pour lui-même que c’était tout ce que cet être infâme méritait.
L'HOMME 13 Octobre 2014Le soleil donnait au ciel une coloration dorée. Le sable, commençant à peine à se réchauffer sous les rayons après une nuit froide brillait presqu'autant que l'eau bleue de la plage. Le paysage était parfait, digne des plus grands films hollywoodiens. Pourtant, il y avait une tache sur la berge. Un corps, nu, sale, frigorifié. Inconscient. Ses cheveux mouillés étaient pleins de grains de sable alors que sa peau avait considérablement pâlis sous le coup du froid.
Ce fût une petite fille aux longues nattes blondes qui le trouva en se baladant sur la plage avec son aïeul. C'est d'un cris strident que la gamine, traumatisée, annonça le grand retour de Jörmungand parmis les Terriens. Il était méconnaissable, pourtant. Quand les secours l'emmenèrent à l'hôpital ce fût pour constater avec stupéfaction que cet homme saccagé n'avait pas d'identité. Un fantôme apparut de nulle part, voilà ce qu'il était. Personne ne comprit, mais avec
Octobre la monté des supers et l'arrivée de toutes nouvelles espèces sur terre, personne ne resta surpris bien longtemps.
Jörmungand resta dans le coma plus de onze mois. Ce fût long, très long pour le personnel qui, à plusieurs reprises voulut le débrancher. C'est en succombant à l'idée et en arrêtant les machines que tout le monde crût mourir sur place : alors que le bip régulier du cardiogramme laissa place à une ligne plane, il ne fallu pas plus de trois secondes pour que le cadavre se réactive vivement, se redressant sur son lit en suffocant bruyamment. Les yeux exorbités et les veines du cou ressorties comme s'il venait tout juste d'échapper à la noyade, l’homme essayait de calmer une souffrance pulmonaire qu'il n'avait jamais connu. Le feu dans sa cage thoracique s'était à peine calmé que l'homme, paniqué, regarda tout autour de lui. Tout ce qu'il voyait lui semblait inconnu. Il se leva brusquement, ne portant pas attention aux corps hurlants près de lui qui semblaient avoir un langage bien différant de ce qu'il connaissait. C'était peut-être bien dû au cillement incessant dans son oreille. Pieds nus et maladroits, il fonça vers l'extérieur. Quelques agents tentaient bien de l'en empêcher, mais la force du patient dépassant la leur, personne ne réussit. Jörmungand couru jusqu'à la plage dans sa robe d'hôpital. Il essaya de rejoindre la mer qui, de toute sa vie, avait été sa seule amie. Pourtant, quand ses jambes entrèrent dans la masse liquide, il fût transit par le froid. Un froid plus cruel encore que celui dans lequel il avait grandi. C'était un froid qui faisait mal. Lâchant un hurlement de douleur, le Serpent-Monde essaya de reprendre sa forme et de briser ce qu’il croyait être l’illusion d’un corps qui n’était pas le sien. C’est avec horreur qu’il comprit qu’il en était incapable.
Quand les éclats de voix de ses poursuivants se firent entendre, Jörmungand renonça à essayer à nouveau, il sortir de l’eau et s’élança de nouveau dans une course, les jambes brûlées par le froid. Bientôt, elles furent un poids mort. L’homme affaiblis s’écroula misérablement sur la berge glacée de Novembre et s’évanouit.
Il rouvrit de nouveau les yeux 35 heures plus tard. Cette fois, le réveil fût moins brutal. Tout le corps endoloris et la tête embrumée, l’homme battit des paupières doucement. Même elles lui faisait mal. Il bougea à peine qu’une infirmière se précipita déjà à son chevet.
-
Monsieur ? Tout va bien monsieur…Sa voix était pour le serpent comme un carillon désagréable qui cliquète au loin. Mais il n’y portait déjà plus attention, trop occupé à regarder les ganses qui retenaient ses poignets au lit. Il fronça les sourcils et tira d’un coup sec pour essayer de briser les liens. La panique le gagna quand il comprit qu’il n’y arriverait pas. Il se mit à tirer frénétiquement provoquant un grabuge démentiel. Aussitôt, l’infirmière s’éloigna terrifiée. C’est pile l’instant que choisis une femme pour entrer dans la pièce, vêtue de sa tunique de médecin :
-
Monsieur l’inconnu ! Clama-t-elle et, aussitôt, le serpent cessa de bouger, plantant ses yeux sur la nouvelle silhouette.
Vous êtes enfin parmis nous à ce que je vois. Elle lâcha son calepin des yeux pour enfin détailler l’homme en jaquette.
-
Peut-être auront nous enfin la chance de savoir qui vous êtes ? S’en suivit d’un long silence où la dame et la bête se toisèrent les yeux dans les yeux.
-
Non ? Silence. La belle haussa les épaules et fit volteface.
-
Bon. Tant pis.-
Détachez-moi. Un sourire se dessina sur les lèvres de la femme, puis elle s’approcha du patient.
-
Je savais que vous parliez. J’ai un marché pour vous. Vous me dites votre nom et je vous détache. C’est équitable, non ?Nouveau silence. Le médecin soupira.
-
Bon, écoutez monsieur, l’état s’est occupé de vous pendant plusieurs moins maintenant. En échange, il aimerait bien savoir qui vous êtes. Vous avez un nom ? De la famille ? De quel pays venez-vous ? ..Comprenant qu’elle n’arrêterait pas de parler et que, plus il garderait le silence, plus elle ajouterait des questions, le Serpent finit par lâcher :
-
Jörmungand. Aussitôt la dame arrêta de parler pour le regarder.
-
Pardon ?-
Jörmungand est mon nom. Elle battit des paupières et s’arma d’un stylo pour marquer son carnet :
-
Comment l’écrivez-vous ? C’est Allemand ?L’homme sentit son corps se crisper de frustration alors qu’il lâcha un large soupire, comprenant bien qu’elle ne lui fouterait pas la paix. Stupide Midgardienne.
01 Septembre 2017Le trou, c’était un peu l’équivalent de l’enfer pour Jörmungand. Sec, mais humide, sombre, froid. Pour un reptile c’était la poisse. Le soleil, c’était bien tout ce qui lui permettait d’y arriver dans ce taudis tout pourri. Pourtant, des allers au trou, il allait en faire souvent. C’est en regagnant sa cellule, le dessous des yeux marqué de fatigue qu’il entendit rire. Ses yeux s’élevèrent. C’était le type de la cellule d’en face. Le même mec qui avait crié dans la foule en délire une semaine plus tôt, quand le serpent se faisait cassé les dents. Il fronça les sourcils. Qu’est-ce qu’il voulait c’te con ? Il se doutait bien qu’il ne le saurait pas tant que le gardien n’avait pas mis les voiles. Le monstre se surprit à espérer qu’il reste, ce foutu flic. Il n’avait pas envie d’entendre ce type lui rabattre les oreilles. Avec tous les tics dont il était victime il était clairement sur la coke. L’agent de la paix s’en alla. Crétins de policiers, se disait le reptile. À voir tous ces tarés de détenus drogués, on se demandait bien à qui ils servaient.
«
Hey pssst. Hey. Hey toi. Oui toi. Toi laaaa. »
À chuchoter aussi fort, on se demandait pourquoi il se donnait tant de mal à baisser le ton. Le serpent lui renvoya un regard haineux pour qu’il se taise, mais, manque de chance, le bougre le vit comme un encouragement.
«
J’étais là quand t’a pété l’autre con. Tu l’as salement amoché mec ! Tu sais pas, hein ? Hein ? Bien sûr que non tu sais pas. T’étais au trou, disait-il comme s’il avait besoin de le lui rappeler.
Mais, hey, l’autre gars il est parti à l’hosto mec. Il a fait une commo. »
Une quoi ? Jörmungand envoya un regard interrogateur au type qui, par miracle comprit.
«
Bah oui ! Une commo ! Une commotion quoi ! T’sais quand l’cerveau fait (il fit une grimace, secoua la tête et imita un drôle de bruit qui échappa à la culture générale du serpent)
ça dans ta tête , concluait-il.
Un peu traumatisé par ce à quoi il venait d’assister, la bête acquiesça la tête pour que le détenu ne recommence pas son manège effroyable. Aussitôt, l’autre eut un grand sourire, puis un rire, alors qu’il s’accrochait aux barreaux de sa cellule.
-
Toi, j’te le dis t’es mal barré mon gars, gloussait-il.
Allez, pote, c’est quoi ton nom ?Le prisonnier avait autant envie de le lui dire qu’il n’avait eu envie de lui parler. Quand l’autre répéta sa question, mais cette fois en gueulant, le serpent céda :
-
Jörmungand. -
Yormu quoi ? Demanda-t-il en faisant une autre drôle de tête.
-
Jörmungand, répétait l’autre, plus lentement. Il étaient vraiment tous con ces humains ?
À voir la drôle de tête que le type faisait, la bête se résigna à croire que oui. Puis, son voisin de cellule lui asséna le coup de grâce.
-
‘tain c’est moche. J’vais t’appeler Mug. (il rit grassement)
Mug. Comme un mug de bière. Tu piges vieux ? ‘tain c’que j’suis trop un génie. »
Cette fois ce fût le monstre qui fit une drôle de tête. Merde, mais c’était quoi ce type là ?
03 Juillet 2018.«
Matricule SP-24601.Sous les indications du gendarme, Mug entama les longues et sinueuses procédures de la libération conditionnelle. Ce qui aurait dû lui coûter deux ans lui avait demandé six mois de plus pour mauvaise conduite perpétuelle. Il l’avait appris à la dernière minute, deux jours avant sa supposée libération. S’en était suivit d’un interminable six mois à jouer aux gentils avec les copains de la cours de récré. Ça avait été grave chiant, mais il fallait reconnaître que les résultats étaient là : après six mois de ce que le juge appelait « un délai d’ajustement », Mug avait pût sortir.
Quand il franchit la porte, le soleil qui descendait sur la fin d’après-midi lui apparût bien différent que depuis la cours de la prison. Avec le petit vent chaud qui n’était enfin plus coupé par les immenses murs, la sensation de liberté nouvelle donnait des frissons au mauvais garçon qu’il était. Il avait déjà purgé neuf mois en 2015 pour voie de faits entraînant des lésions graves, c’était bien vrai, mais il y avait une différence interminable entre cette sentence et celle de 30 mois qu’il venait de subir pour récidive. Il ne s’en tira pas trop mal tout de même. Sans bracelet ni couvre-feu, il était sous condition simple. Pas de bagarre, pas de grabuge… Et surtout pas de cas de commotion cérébrale. Il se jura à cet instant à lui-même que plus jamais ces imbéciles d’humains n’allaient réussir mettre la main sur lui. Peu importe les moyens.
C’est ainsi qu’il se retrouva avec un job honnête. Ou tout le moins plusieurs petits jobs partiellement honnêtes. Il donnait des coups de mains par-ci, par-là, histoire d’avoir un peu de blé pour faire survivre ce corps ingrat sans se faire emmerder par les lois concernant le vol. Puis un jour d’hiver, le Mars 2018, alors qu’il faisait une ronde habituelle près de l’océan qui fût autre fois sa seule amie avant de l’abandonner lâchement, Mug réussit à se dénicher un petit travail sur l’un des bateaux de pêches ancrés au port. C’est ainsi qu’il se leva tous les matins aux petites heures pour aller trimer comme un malade toute a journée. Au fil des mois, il retourna petit à petit réchauffer son siège dans les tavernes avoisinantes pour aller y boire sa paye.
Parce que c’est ce que certaines personnes font lorsqu’elles n’ont pas de bût dans la vie : elles se bourrent la gueule jusqu’à ce que même rentrer chez soi devienne une aventure.
Vive l’adrénaline.
- Chronologie simplifiée et révisée:
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