[Mission] Le fléau de Sumer

C’est Wong qui avait eu les nouvelles en premier avant d’en informer Stephen qui était alors trop occupé à remuer tout le sanctuaire à la recherche d’une certaine petite créature à l’appétit sanguin plutôt bien développé. Elle était parfaitement introuvable, ce qui confirma les doutes grandissant du sorcier à mesure qu’il ouvrait des pièces vides ; la dhampyr avait pris la fuite dès que l’occasion s’était présentée. Avec un soupire, il se dit que s’il venait à la retrouver, elle entendrait parler de lui pendant un moment. Pour l’instant il avait d’autres chats à fouetter, et notamment d’étranges apparition dans un trou perdu de Californie. En un mouvement de poignet, un portail s’était ouvert sur les environs désolés de Shoshone.

Si en devenant Sorcier Suprême on lui avait dit qu’il serait amené à devoir affronter des déserts arides et leurs températures tout bonnement insupportables, Stephen aurait probablement refusé sans même réfléchir. Il n’était pas particulièrement un fervent défenseur de l’hiver et des climats froids, mais à peine son pied avait-il foulé la terre sèche et poussiéreuse que chaque pore de sa peau s’était retrouvé à suer à grosses gouttes, pour son plus gros inconfort. Il ne pouvait même pas écarter la Cape pour soulager ses épaules ; si un danger survenait, il aurait besoin d’elle... Heureusement, la magie venait aussi avec ses bons côtés, et notamment quelques sorts capables de modeler le climat environnant et ses degrés en trop.
Une fois un peu plus à son aise, Strange épongea son front en soufflant, faisant face au désert qui, comme son nom l’indiquait, était… bien désert si on oubliait les quelques rares touffes d’herbes jaunes, les arbustes aux branches dures et les rochers nus qui s’élançaient vers le ciel. A quelques endroits, le sol était si sec que la terre y dessinait des craquelures profondes.

Stephen jeta un coup d’œil au ciel où le bleu se mélangeait lentement à l’orange déclinant du soleil qui tombait avec l’heure. Les apparitions commençaient à se manifester durant un crépuscule bien avancé d’après les dires, donc même si ce n’était pas pour tout de suite il ne tarderait pas à être témoin de quelque chose, à un moment ou à un autre. Car bien-sûr, il y avait quelque chose et pas simplement du hasard et des cris d’animaux comme pouvaient le penser certains sceptiques. Son sixième sens de sorcier sentait ce détail invisible pour les sens des êtres normaux, sans pouvoir encore mettre le doigt dessus cela dit. Mais, pour en être témoin, il devrait d’abord se rapprocher de l’épicentre de l’émission, un peu plus derrière lui, dans le village.
En arrivant sur les lieux, le son d’un moteur attira son oreille fine. Le Sorcier Suprême fronça les sourcils un instant en sentant qu’il émanait du propriétaire de la bécane ce quelque chose de particulier. Mais l’homme ne semblait pas hostile, d’autant plus qu’il lança à son tour un regard vers le ciel, sûrement à la recherche de l’une de ces apparitions mystérieuses. Sans plus tarder, il s’en approcha, essayant d’interpeller le nouveau venu d’un geste de la main.

« Hé. » appela Stephen, une fois arrivé à sa hauteur. « Vous êtes du coin ? Vous venez pour les apparitions ? »

Après tout, il était toujours plus utile de partager les connaissances quand on s’apprêtait à assister à un évènement inconnu.

On ne lui laissa pas plus de temps pour se laisser aller à la discussion, le thé et les biscuits. Rapidement, c’était une silhouette et ses reflets roux qui se mêlait à leur petit duo de fortune, l’interpellant sans une once d’hésitation puisqu’ils étaient, d’une certaine manière, ce qu’on pouvait qualifier de « proches ». Strange se contenta d’un hochement de tête en guise de salutation. Si danger il devait avoir, la jeune femme se révèlerait être un fier atout dans la bataille, surtout depuis qu’ils avaient débuté leurs sessions récurrentes d’entraînements. Au fond, il n’y avait rien de mieux que le travail sur le terrain pour apprendre les fondamentaux et dompter ce qui semblait indomptable.

« Aucune, pour être honnête. » confessa le Sorcier à la demande de la rouquine. Il avait déjà été témoin d’apparitions, de démons, d’esprits et de tout ce qui pouvait appartenir à un autre monde, mais pour l’instant il était trop tôt pour déterminer la nature du danger qui les guettait. « Mais quelque chose me dit que nous aurons tôt fait de le découvrir. »

Et ce quelque chose répondait au doux nom de Cléa. Bien-sûr, elle s’était glissée jusqu’ici à l’affût de l’agitation, et c’est à moitié étonné qu’il avait entendu résonner sa voix au creux de sa tête. Il ne pouvait savoir avec exactitude où se trouvait la créature, mais la savoir à portée était rassurant, à sa façon. Dans la cohue, un autre homme s’était joint à eux, mais Strange ne lui accorda que peu d’attention, même pas un salut. Tous ses sens étaient en alerte et pressentaient que le danger était imminent, qu’il les guettait d’un vilain regard espiègle qui n’attendait plus que le bon moment pour fondre sur leur petit groupe qui, dorénavant, passerait mal inaperçu ainsi rassemblé dans le village désert.
Et il ne croyait pas si bien penser. Tout à coup, le ciel se couvre, les énergies environnantes se gonflent de puissance, et le vent se lève, emportant avec lui la chaleur, la poussière, et ce qu’il peut bien trouver au sol pour les tirer jusqu’aux portes du village. Protégé par sa Cape qui ramena un pan épais de tissus devant lui, Strange déploya un rapide bouclier autour du groupe en quelques gestes coordonnées de ses mains, les protégeant ainsi des débris volants et de la chaleur écrasante. Le sorcier maintint son sort de protection quand les étranges balles lumineuses pénétrèrent ces âmes innocentes qui s’éveillèrent en des choses nouvelles, triplement dangereuses qui leur foncèrent dessus comme une meute de loups affamés. Pour l’instant, elles se contenteraient d’assaillir leur carapace solide et d’en récolter de vilaines brûlures, mais Stephen n’était pas sûr de pouvoir tenir indéfiniment ce sort, surtout si d’autres choses, plus grosses et plus dangereuses, s’ajouteraient à l’équation. Voyant que le reste du groupe s’apprêtait à se défendre de manière plus ou moins virulente, le sorcier se sentit obligé de préciser, assez fort pour qu’ils puissent tous entendre malgré l’agitation tout autour ;

« Ne les tuez pas ! Il s’agit d’une possession, ces gens peuvent encore être sauvés jusqu’à preuve du contraire. »

Sa dernière pensée s’élança pour la créature qui était autrefois aussi son amante, perchée plus loin là où il ignorait qu’elle se trouvait. Une part de lui espérait qu’elle ne se soit pas fait surprendre par un de ces possédés, même s’il n’avait aucun doute quant au fait qu’elle n’aurait besoin d’aucune aide pour se défendre. Nature humaine, naïve, le genre qui lui collerait à la peau puisqu’ils avaient été si proches et que cette part de lui refusait de la laisser complètement partir.

« Si tu as la moindre idée sur ce que peuvent être ces choses et d’où elles proviennent, ce serait le bon moment de la partager… » marmonna Stephen en usant de la même télépathie.

Parce que, pour l’instant, il était sûrement aussi confus et surpris que les autres.