[Mission] Parasite

De manière à la fois méthodique et machinale, Jean vérifiait le contenu du sac de premiers secours. Tout le nécessaire était là. Une fois assurée que tout était en place, et plaçant le paquetage en bandoulière sur son épaule, elle quitta alors l'habitacle du Blackbird. Quelques instants plus tôt, l'appareil s'était posée dans une plaine à quelques centaines de mètres de la réserve cheyenne dans laquelle les X-men avaient été envoyés. En quittant la rampe de débarquement, la chaussure de marche de la rousse foula le sol poussiéreux et à l'herbe sèche et jaunie du Colorado. C'était la fin de l'été, et le manque de pluie se faisait à présent largement ressentir dans le paysage. A quelques mètres, Gambit l'attendait, son éternel manteau long en cuir sur les épaules.

« Comment tu fais ? Je suis sûre qu'il doit déjà faire pas loin de 30°c ... », lui demanda-t-elle avec une pointe de plaisanterie dans la voix.

Pour l'occasion, la télépathe avait opté pour une débardeur en coton jaune et un short en jeans pour compléter ses chaussures de randonnée. Quant à ses cheveux, elle les avait rassemblés en une queue de cheval haute, nouée à l'aide d'un bandana rouge, histoire de garder sa nuque dégagée. La tenue parfaite pour affronter les températures du Colorado en plein mois d'août, tout en étant à l'aise et confortable.

Un peu plus tôt dans la matinée, le Professeur avait décidé d'envoyer une équipe dans cette réserve de natifs américains, afin de leur porter une assistance médicale. Dans un premier temps, il s'était montré réticent à l'idée de laisser Jean y aller, ne préférant prendre aucun risque suite à ce qu'il s'était passé en Sokovie. Mais la rousse était parvenue à le convaincre de la laisser y aller, lui garantissant qu'il n'y aurait aucun incident, tout en jouant sur le fait que ses connaissances médicales seraient sans doute les bienvenues là-bas. C'était de cette façon qu'elle s'était retrouvée ici.

En entrant dans la réserve, Jean sentit une sorte de malaise s'emparer d'elle en posant son regard sur les personnes autour d'elle. Ils étaient ... parqués ... comme des animaux ... alors qu'ils étaient chez eux. C'était ... aussi étrange que difficilement acceptable pour elle. En pénétrant cet endroit, elle se sentit plus que jamais comme une ... étrangère. Encore plus que d'accoutumé lorsqu'elle se trouvait parmi les humains. Si en temps normal, elle se sentait légitime de partager la même rue que n'importe quel citoyen lambda, et ceci malgré son patrimoine génétique ... ici, ce n'était pas le cas. Elle avait l'impression que d'une certaine façon ... elle contribuait au sort de ces pauvres personnes ... de cautionner ce qui leur était fait.

D'une tente médicale montée pour l'occasion, un homme sortit pour accueillir les envoyés de l'Institut. De toute évidence, il n'était pas cheyenne. Il se présenta comme étant le médecin du comté, et donc, en charge de la réserve. Il était celui qui avait réclamé de l'aide. Rapidement, il présenta la situation après avoir invité les X-men à le suivre à l'intérieur. Attentive, Jean n'en perdit pas une miette, sans toutefois parvenir à déterminer face à quel genre d'affliction ils avaient à faire.

« Y a-t-il un dénominateur commun entre toutes les victimes ? Je veux dire ... hormis le fait qu'ils appartiennent tous à cette réserve. »

Mais sa question à peine formulée, la psyché de Jean la mit en garde. Elle venait de détecter une présence qu'elle connaissait ... Une personne dont la dernière rencontre s'était soldée de manière ... aussi étrange qu'inquiétante.

* Gambit ... nous ne sommes pas seuls * , informa-t-elle son partenaire par télépathie après avoir senti la présence de Victor.

La clinique tournait depuis quelques temps et elle commençait à se bâtir une solide réputation. Ce qui importait pour Creed était que l'on y vienne en étant sûr que l'on s'y ferait bien soigner. L'équipe médicale était assez compétente et bien que la sécurité ait eu fort à faire durant le premier mois, elle gérait maintenant correctement les divers débordements, manifestations et autres aléas.
Victor commençait à bien connaitre le personnel et tout le monde était relativement impliqué et contentieux. Les infirmières étaient peu nombreuses mais très volontaires. Il s'était lié d'amitié avec l'une d'elle, Nina. Elle était à demi-indienne et ils avaient couchés ensemble quelques fois. Rien de sérieux, juste du fun. Un matin, alors qu'ils prenaient le café en fumant une cigarette devant l'entrée de la clinique, Nina lui parla de quelque chose qui la travaillait. Son oncle, qui habitait dans une réserve dans le Colorado, l'avait prévenu que certaines personnes succombaient à un mal nouveau et incurable. Elle avait dit à son oncle qu'elle verrait ce qu'elle pourrait y faire sans trop le rassurer. Elle avait dresser une liste des symptômes et préparer en conséquence le matériel de soin nécessaire en cas d'aide.
Ils conclurent tous les deux qu'apporter de l'aide ferait de la bonne pub et que la présence du mutant serait rassurante en cas de phénomène "étrange".
Victor loua un Pick-up et parti dans la foulée.

Il faisait assez chaud et Dents de sabre se félicita d'être habillé avec un jean un peu ample et un débardeur en coton. Le GPS lui indiquait qu'il ne restait qu'un KM lorsqu'il vit le Blackbird passer au dessus de sa tête. Ca aurait été trop beau d'être tranquille ...

Il se gara donc près de la réserve et se dirigea, avec deux grosses valises pleines de matériel médical, vers leur infirmerie. Il fut accueillit avec de grand sourire et on le remercia chaleureusement lorsqu'il leurs appris qu'il s'agissait d'un don.
Le Canadien jeta un œil dans la tente et les malades semblaient bel et bien en piteux état. Il retourna à la voiture, même si une femme lui demanda de rester pour voir le médecin du comté, et s'assit coté passager. il sortit la bouteille de Whisky de la boite à gants et but une rasade au goulot. Des personnes semblaient venir en direction du camp et tous les autochtones étaient émois. Victor se rapprocha légèrement, en se cachant à demi derrière un gros arbre, et scruta les nouveaux venus.  

* Tiens donc, Grey et Lebeau. Elle, je comprends mais lui.
Il va les soigner à coups de cartes. A la place de Xavier, j'aurais envoyer le fauve ...*

Il se décala légèrement de manière à ne plus être caché mais pas trop visible non plus.

Chargé de deux colis sans doute remplis de matériel, Victor Creed venait de faire son entrée dans la réserve. De toute évidence, il avait repéré les X-men comme en attestait sa façon de se faire discret, mais c'était sans compter sur la vigilance de la télépathe. D'une impulsion télépathique, elle avait mis Gambit au courant de la présence de Dents-de-Sabre, le Cajun ne manquant pas l'occasion pour se montrer désobligeant.

« Pas ici ... », intervint Jean, avant que les choses ne dégénèrent.

Ils n'étaient pas venus ici pour déclarer la guerre, régler un quelconque désaccord, ou encore demander des comptes. En tant que membres des X-men, ils ne seraient pas non plus ceux qui ouvriraient les hostilités.

Non. S'ils étaient ici, c'était pour venir en aide à ces personnes, et Jean comptait bien respecter son engagement.

Tout en étudiant les dossiers médicaux que venaient de lui tendre le médecin de la réserve, Jean écoutait la réponse de ce dernier. D'après lui, il n'y avait pas vraiment de point commun entre les différents patients. Des jeunes, des adultes, des personnes plus âgées. Des hommes et des femmes. Et de toute évidence, le mal qui les frappait avait été contracté ici, vu qu'aucun d'entre eux n'avait quitté la réserve depuis deux semaines.

« Je vois que leurs bilans sanguins sont normaux, si l'on excepte leur taux de cortisol qui est plus élevé que la moyenne. On peut donc écarter une infection, qu'elle soit virale ou bactérienne, fit remarquer Jean tout en épluchant les divers résultats d'examens.

- J'ai les mêmes conclusions que vous ... et pour le cortisol, j'ai mis ça sur le compte du manque de sommeil et le stress provoqué par leur situation.

- Ça se tient. Mais l'explication peut -être autre également. »

A cet instant, un vieil homme se joignit au groupe. Son visage sévère et marqué par le temps était encadré de deux nattes grisonnantes. Le médecin le présenta comme étant le chef de l'un des clans de la réserve. D'après lui, la science de Jean et du médecin ne pouvait rien pour son peuple. Ils n'étaient pas en mesure de comprendre le phénomène. Pour autant, la rousse était bien déterminée à essayer. Toutefois, l'intervention du chef de clan eut le mérite d'apporter une information essentielle. A l'en croire, chacune des personnes tombées malades, étaient également mutantes. Devant cette annonce, Jean releva son regard vert sur le natif américain, rendant les dossiers au médecin du comté.

« Ainsi, ça n'affecterait que les mutants ? Rémy, Victor, ne touchez à rien sans avoir pris les précautions qui s'imposent. Si jamais il y a ici une pathologie qui cible les porteurs du gène X, nous ne devons en aucun cas la faire sortir de cette réserve. »

Ouvrant son sac de secours, Jean en sortit une boite de masques, ainsi qu'une boite de gants jetables. Après en avoir remis un lot à chacun des mutants, elle se tourna vers le chef de clan.

« Nous n'avons pas pour habitude d'abandonner les nôtres, lui annonça-t-elle.

- Ils ne sont pas des vôtres, la corrigea-t-il.

- D'une certaine manière, si. Je vais avoir besoin de les examiner moi-même.

- Je vous l'ai dit, votre médecine ne vous apportera aucune réponse.

- Qui a dit que je me servirai de la médecine ? », répliqua-t-elle tout en affichant un sourire déterminé.

Devant le silence du vieux chef, Jean comprit qu'elle venait sans doute de marquer un point. Alors, elle se tourna vers Gambit et Victor.

« Est-ce que je peux vous confier la charge de trouver ce qui a bien pu les mettre dans cet état, s'il vous plait ? Sans que vous en veniez aux mains, ça va de soit. C'est forcément dans la réserve. Cherchez à l'extérieur de la zone habitable. Si vous trouvez quoi que ce soit qui vous fait douter ... n'y touchez pas et venez me chercher. »

Ajustant son masque sur son visage, la rousse apporta une dernière précision.

« Soyez prudents ... »

Alors, la rousse se rendit au chevet de la dernière arrivante pour tenter d'en apprendre un peu plus.

LeBeau et Creed se haïssaient au même point. Chacun pour diverses raisons mais s'ils se recroiseraient un jour seul à seul, cela se finirait en bagarre. Victor, qui savait dorénavant se contrôler grâce au temps et à une aide psychologique, ne tint pas compte de la remarque du cajun et entra dans la tente après y avoir été invité. Le chef indien parla aux trois mutants et trois phrases le marquèrent.

* Vous êtes depuis trop longtemps déconnecté de la terre ... des enfants puissants ... le Mangeur de rêve ...*

Pendant qu'il réfléchissait, Jean prit les devants et parla. Elle allait examiner les malades et demanda aux deux mutants de sonder les environs. Elle leurs donna un masque et un paire de gants. Dents de Sabre eut fortement envie de lui rire au visage et de jeter ces protections à la poubelle mais l'état alarmant des mutants allongés sur les lits l'en dissuada et il se contint au prix d'un énorme effort.
Comme il était hors de question qu'il soit associé de près au de loin à Rémy, Victor dit simplement:

_ Je travaille mieux seul. Je vais chercher dans la partie arborée.

Puis, il se rapprocha de Jean, ajusta son masque, se pencha à son oreille et lui chuchota :

_ Par égard envers notre dernière rencontre et la Sokovie, je veux bien faire quelques efforts mais ne te fais pas de fausses idées. Prends ce qu'il te faut dans les caisses, ça appartient désormais à la réserve.

Victor sortit ensuite et se dirigea vers les premiers arbustes. Un léger vent se mit à souffler. Des enfants sortirent d'un buisson en riant et quand le mutant se rapprocha, un dernier s'échappa, l'air penaud et embêté. Il était en train d'uriner et se rhabillait précipitamment. Creed le laissa partir sans rien dire et s'approcha du buisson. Une odeur bizarre se dégageait et quand il s'accroupit pour affiner sa recherche, il constata que l'odeur d'urine avait des relents d'acide. Il voulu parler aux gamins mais ces derniers étaient déjà partis en direction des tentes.
Tant pis. Il continua à traquer un quelconque indice et eut un début de piste au bout de trois quart d'heure. Un petit ruisseau coulait entre des pierres et une odeur d'acide, semblable à celle présente dans l'urine des enfants, se dégageait. D'instinct, il voulu toucher à mains nues et gouter mais il se rappela les conseils de la rousse.
Il enfila ses gants et son masque et se rapprocha de la source. Il prit une pierre et la sentit. Il s'agissait bien de la même odeur mais avec des nuances différentes. Il jeta le caillou au loin et voulu en prendre un autre mais lorsqu'il le retira, les autres pierres s'écroulèrent et le petit ruisseau cessa de couler.

*Et merde !* Pensa t'il.

Il retira son masque, huma l'air mais l'odeur avant disparu.

Victor pensait être seul et avait réussi à parfaitement oublier la présence du cajun. Il faisait de plus en plus chaud et il commençait à cuire. De grosses gouttes perlaient de son front et sa nuque le tirait de plus en plus. Il avait du mal à se concentrer, sa vue devenait floue par moment. Ce pouvait 'il que … ? Non, il ne fallait surtout pas y penser, garder son calme, se concentrer sur ses recherches et c’est ce qu’il fit. Mais la petite remarque eut son effet sur le Canadien et il baissa sa garde juste un moment. Mais, ce moment suffit pour que le poison présent dans son corps lui fasse perdre la boule. Creed se retourna lentement et vit le petit sourire narquois de Gambit se dessiner sur son visage. Ce fut la chose de trop, clairement, et Dents de Sabre se laissa submerger par toute la colère refoulée en lui de si longtemps.  
Il fit craquer sa nuque et se mit face à son adversaire.

_ D’accord, je vois ou tu veux en venir. Tu t’es dit que ça serait malin de voir si j’allais garder mon calme longtemps et bien tu as gagné. On va se mettre sur la gueule.
Mais avant, je vais t’avouer une chose. Il n’y a quelques semaines, j’étais dans le bayou avec ta copine et la faune locale m’a laissé un petit cadeau. C’est vivifiant …

Avant qu’il ne finisse sa phrase, ses yeux virèrent au rouge. Il jeta une des pierres du ruisseau au visage du mutant pour le déconcentrer et se rua sur lui à vive allure. Rémy n’avait, apparement, pas vu le coup venir et Creed profita de cette occasion pour lui envoyer un coup de poing dans l’estomac suivi d’une balayette. Il l’empoigna ensuite par le col de sa veste et l’envoya valser dans un buisson non loin.  

Il fut alors envahit par un sentiment de bonheur, de jouissance même. C’était si bon. Il n’aurait su dire si cela venait du fait de cogner sur un X Man ou si c’était l’inctint sauvage en lui qui parlait.
Mais son bonheur fut de courte durée. Alors qu’il cherchait LeBeau pour finir ce qu’il avait commencé, l’odeur suspecte revint au niveau d’un arbre. Dents de Sabre voulut avertir son “collègue” mais le cajun était déjà sur lui et lui rendit la monnaie de sa pièce. Victor reçut un violent coup au visage et glissa sur 5 mêtres.