Uprising #2 : Blooming

Tout lui semble si lointain alors qu’elle a arrêté de lutter. Abandonner n’est pas dans ses habitudes, mais pourtant, elle ne trouve pas la force. Pas face à lui. Les sons lui parviennent de manière étouffée. Les chances pour qu’elle ait une commotion sont fortes, et elle sait qu’il ne faut pas se laisser aller ainsi dans ces cas là. À quoi bon cependant, si le temps qu’il lui reste à vivre est dans tous les cas fortement réduit ?

Pourtant le contact tant redouté n’est pas celui qu’elle attendait. Ce n’est pas la morsure d’une lame, ce n’est pas le contact froid d’une main en métal sur sa gorge. Le cliquetis du chien d’un pistolet qu’on arme ne se fait jamais entendre. Ça semble suffire pour la sortir de sa torpeur et le cœur de la russe manque un battement, elle reste le souffle coupé le temps d’une demi-seconde. Et celle-ci inspire, n’osant plus rien faire alors qu’on dépose une main, humaine, contre sa joue. C’est familier, ça fait revenir ce sentiment de réconfort qu’elle n’a pas connu depuis un long moment. Et Natasha ne sait pas si elle peut s’autoriser à apprécier l’instant. Parce que c’est elle qui était partie, l’avait abandonné, parce qu’elle avait encore une mission à remplir et qu’un détour par les geôles d’Hydra et des retrouvailles ne pouvaient pas l’empêcher de faire son travail. Sa voix, douce et toujours aussi familière la convainc d’ouvrir les yeux et, réprimant un dernier tremblement, un dernier sanglot, elle ose le regarder.

Il n’a pas le regard vide, sans expression, il n’est pas le pantin d’Hydra. Il est simplement lui-même. Et c’est effrayant parce qu’elle n’imaginait pas le revoir dans de telles conditions. Culpabilité et remords s’invitent dans son esprit déjà bien assez embrouillé. James est là quand elle a besoin de lui alors qu’elle n’a pas été capable d’en faire de même. Et Natasha se contente de répéter après lui, parce que trop de choses lui viennent en tête, il y a trop de choses à dire et peut-être pas assez de temps. « Bucky.. James.. tu es.. » Ici. Toi-même. Vivant. Elle ne complète pas sa phrase, le bruit sourd de la gamine qui cogne contre la vitre les interrompant. Ils auraient à parler d’elle aussi, en plus de tout le reste. Immobile alors qu’il la soulage de la pression des chaînes sur ses épaules, la rousse enfouit sa tête dans le creux de son cou, dès que possible. Il est là, pas pour la tuer mais pour la sauver. Elle voudrait le croire, lui confirmer que ça va aller, qu’elle est bel et bien là, avec lui. Les mots restent coincés dans sa gorge, et l’espionne est consciente qu’il faut qu’elle se ressaisisse, qu’elle arrête de se morfondre et qu’elle l’aide à son tour. Il est venu la libérer et il fallait que, quelque part, elle parvienne à prendre le relai. Qu’elle aide à faire en sorte qu’ils quittent tous cette base, sains et saufs. Si son bras à l’épaule déboîtée est retombé mollement le long de son corps, Natasha s’est servi de son bras valide pour s’agripper à l’homme, comme si rester proche de lui lui permettait d’à nouveau pouvoir respirer.

Bien trop rapidement, il lui faut le lâcher. C’est nécessaire parce qu’ils doivent se tirer de là et qu’elle ne veut représenter un fardeau dans leur fuite. Ce n’est qu’après une longue inspiration que la femme parvient à s’en détacher. « Je peux. Allons-y. » Sa voix reste rauque mais elle fait un effort pour ne rien laisser paraître, outre cette détermination qui caractérise Widow. Mais elle fait tout pour ne pas croiser son regard, peut-être par peur de ce qu’il pourrait y déceler. Alors ses yeux glissent le long du corps du Soldat, jusqu’à s’arrêter sur la première arme qu’elle trouve pour s’en saisir. Natasha reste nauséeuse, sa tête lui tourne, la douleur lancinante dans son épaule lui fait serrer les dents, mais elle passe au dessus de ça. Parce que Black Widow n’a pas le droit d’être faible, surtout pas maintenant. À contrecœur, elle tourne le dos à Barnes, fermant les yeux quelques secondes dans l’espoir de repousser la vague de culpabilité qui l’assaille à nouveau.

Elle tâche de se concentrer sur autre chose, toute son attention désormais posée sur la gamine qui la débarrasse des menottes. Bucky avait donc réussi là où elle, avait échoué. Elle observe la petite tête blonde sans gêne aucune. Ses pupilles dilatées, le sang sur son uniforme, Natasha n’apprécie rien dans ce qu’elle voit. L’instinct maternel et autres conneries, ce n’est pas pour la russe, mais elle sait ce que c’est et elle en vient à se détester pour n’avoir rien pu faire avant, de ne pas avoir découvert plus tôt ce qu’Hydra préparait. Tout ce qui l’entoure vient à lui rappeler à quel point elle a échoué, à quel point elle n’a rien rattrapé de ses actions passées et elle est obligée de s’appuyer contre le mur pour rester debout et se recentrer sur la situation. D’un signe du chef, elle remercie la gosse avant d’en revenir à Bucky et à la porte qu’il venait de forcer. C’est plus vraiment le moment de réfléchir, alors elle se contente d’agir. Presque étrangère à ses propres mouvements, elle suit, seulement concentrée sur l’idée de rester consciente et attentive à son environnement. Elle remarque à peine Rumlow alors qu’ils passent devant lui ; c’est peut-être la raison pour laquelle elle ne lui colle pas une balle en pleine tête.

Et ils finissent enfin par ressortir. Pour tomber non loin de quelques têtes grandement familières. Alors il n’était pas venu seul. Ça n’explique pas totalement comment James s’était retrouvé dans cette mission, gentiment sponsorisée par le SHIELD, mais ça supprimait quelques éléments inconnus. Puis ses prunelles se déposent sur le Baron, et sa mâchoire se crispe. Ça n’augure rien de bon et elle reporte toute son attention sur son sauveur.

« Bucky. » Le surnom sonne étrange sans pour autant paraître faux. Mais c’est peut-être ce qu’il faut pour détourner son attention, tâcher de le convaincre que se confronter à Zemo n’est pas une bonne idée. Pas dans l’immédiat. Parce que si les choses venaient à mal tourner, elle ne lui serait d’aucune aide. Si sa vision n’est plus très nette, elle reconnaît pourtant Steve et Sam dans le groupe et Romanoff sait parfaitement qu’ils seraient là, eux. Elle s’avance, s’arrêtant juste à son niveau alors que sa main libre vient trouver celle de l’homme, serrant légèrement. Ça fait mal, un peu, mais elle n’a pas le temps de penser à ça. Un groupe de larbins de l’Hydre arrive à leur rencontre et, même si elle n’est pas certaine que sa visée soit correcte, Natasha a déjà levé son arme, prête à les recevoir comme il se doit. Ou du moins, tenter.