[Mission] Damer le pion au Roi Vert

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La nuit tombe et le masque avec. Loki s’observe derrière les grandes vitres sans teint du penthouse. Devant la nuit, les loupiotes artificielles des humains. Dedans, le dieu du chaos qui semble souffrir de TOC. Personne ne rentre jamais dans ses appartements privés, aucun agent d’entretien, aucun ministre, aucun stagiaire. La presse, soigneusement surveillée. Amora quand ça lui chante, et les autres du même acabit, tant qu’ils n’empruntent jamais les voies des mortels. Mais vous voyez le souci des midgardiens, c’est qu’ils veulent toujours mettre leurs doigts partout. Et Loki est très bien placé pour le dire, il a le même souci. Mais lui ne se désintègre pas quand il touche une gemme d’infini, par exemple (c’est l’argument d’autorité, les gemmes, mais l’idée tient pour pas mal des choses contenues dans les quartiers du sorcier.) Ils sont comme des enfants chez le marchand de glace, et Loki le nez dans les grimoires – susceptibles de faire des bêtises et de se faire mal.

Il porte toujours le costume trois pièces du président des Etats-Unis. Femme, déesse, enfants, il n’y a plus personne. Ni frère, ni mère, encore moins. Le dieu se mord la lèvre inférieure, fixant les ténèbres au-dehors. Même lui, même un dieu, ne peut pas voir le camp asgardien ici. Il est seul. C’était ce qu’il avait voulu non ? Il restait prisonnier de sa tour d’ivoire. A se torturer les méninges, l’une des gemmes palpitantes le torturant petit à petit pour les âmes qu’elle veut consommer. Son propre reflet lui semblait grimaçant, mauvais à un point que jamais le sorcier n’aurait pensé atteindre. Il se fait violence pour se regarder dans le miroir quand il voudrait fuir son reflet – les images de la dimension du Cauchemar sont ancrées sous son épiderme. Elles ne partiront pas. Pas avant qu’il ait réécrit son histoire, mais il connait la fin, pas le début, et il n’a pas de stylo. La plupart du temps, quand il peut enfin faire tomber le masque, s’enfuir de la tour (les attentes, du meilleur), s’enfuir du camp asgardien (les attentes, du pire), il prend les traits d’une femme, et renoue avec l’essence joueuse du chaos comme on réapprend à jongler avec trois balles de tennis quand on veut jouer avec le feu.
Les ongles noirs, longs, vernis, tapotent contre la vitre. Les traits du président, de Loki, et de la femme se mélangent dans la vitre. Il attend quelque chose se passe, et si rien ne se passe, que Odin soit maudit et finisse la couenne rasée à blanc il fera que quelque chose se passe. Il faut bien forcer le destin pour qu’il fasse ce qu’on veut.

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Cela m’est dû… à moi… Le murmure est si familier avec ses pensées que Loki n’y prend pas garde, absorbé dans ses réflexions. Semblable aux mannequins statiques des vitrines de grands magasins. La pensée virevolte dans son esprit, indissociable du reste de ses ruminations. Il finit par se remettre en mouvement, dans l’appartement. Que pouvait-il faire, à part un peu de troubles, peut-être écarter le voile du passé et d’autres dimensions, voya… Dévorer… assimiler…consumer…désirer… Plus présente, la pensée s’insinue et Loki secoue la tête. L’agacement est visible sur ses traits. La gemme de l’âme. Il peut l’avoir sur lui, ou dans un coffre enchanté pour camoufler sa présence, l’artefact reste dévorant, brûlant, connecté à lui. Exigeant. « - Une âme… » « - Continue comme ça, et tu verras si Strange a le temps pour tes conneries. » La réplique claque et résonne dans le penthouse vide. L’écho perdure longtemps – plus longtemps que le silence, car la gemme revient aussi à la charge. Il doit la confier à quelqu’un d’autre, c’est un cadeau empoisonné. Elle parasite ses pensées, et Loki déteste, par-dessus tout, ne pas être au contrôle. Alors ne pas contrôler ses propres desseins et envie…
Elle insiste, elle hurle presque, et le dieu sent la migraine poindre. « - Tais-toi, tais-toi ! » Il parle tout seul, il hurle dans les parois insonorisées de l’appartement trop propre. Le choix était à lui ; soit il restait là, comme ça, à genoux par terre à se tenir les tempes alors que ça faisait plusieurs siècles qu’il savait que le geste humain, et pathétique, était inutile, ou bien…Ou bien il tuait quelqu’un. Hein ? Quoi ? Non. Non. « - J’ai d’autres plans. » Il ne voulait pas tuer. Il voulait faire les choses à sa manière, autrement que par un carnage, le mal : le chaos.  Tu deviens bel et bien fou, Loki. D’une folie différente de ce que t’accusaient les humains. Plus instable. « - L’âme approche. Je la veux. » Le murmure est impérieux. Loki inspire à fond et se relève. Il ôte sa veste de costume, qu’il laisse tomber sur un canapé, remontant les manches de sa chemise avec fermeté. Il n’avait pas mieux à faire de toute façon.
Et il n’avait pas l’intention de laisser une stupide gemme d’infini avoir le dernier mot – s’il y avait un intrus, il se sentirait déjà insulté ( et curieux ), si elle voyait ce que lui ne percevait pas, c’était pire. Il déploie sa magie autour de lui, inspectant les essences des choses, la tour familière, gorgée de ses propres protections et résidus magiques jusqu’au mortier. Les gardiens familiers qui ne détectent rien d’anormal. Une employée qui finit de remballer ses affaires, au 2e étage, qui fait tomber sa bombe au poivre par terre et jure dans sa barbe. Il y a quelqu’un d’autre. Loki lève la tête vers le plafond spontanément, un sourire retors et satisfait sur le visage. Quelqu’un, en haut.
Il y a la sensation de déjà vu qui grandit en lui, mais pas que – l’excitation. Celle, prédatrice, de la gemme qui veut du sang, qui veut une âme, et la sienne, qui apprécie d’être interrompu par un peu de piment. Le sorcier se rassoit par terre calmement, pour entamer sa projection astrale et sortir de son corps pour invisible, rôder à son tour dans ses étages.

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« - Vulgaire, d’un négligé… » Des gardes sont morts pour lui mais cela n’émeut pas le président, qui hante les couloirs de son palais moderne, comme un fantôme s’attache à son argenterie. « - Banal, commun… » Dans les conduits d’aérations ? Réellement ? Loki roule des yeux et c’est seulement la pression insistante de la gemme qui l’empêche de regagner son corps et son lit. « - … Stark, tu me déçois. Tu me fais perdre mon temps, encore » Le sifflement de serpent agacé n’arrive pas aux oreilles de l’intrus, bien sûr, mais quand même. Entre le mauvais goût de s’introduire dans les voies d’aération, et la cagoule, c’est le pompom. Littéralement. La cagoule a le mérite de cacher le bouc insulte au bon goût, mais il n’y a pas 50 personnes qui parlent tous seul à leur ami imaginaire Jarvis. Ou alors, Loki a un autre problème dans ses murs, quelqu’un qui a sérieux problème.
Stark s’est enfin décidé à fouiner dans ses affaires.

Il aura pris son temps. Loki se rappelle des premiers mois, lorsqu’il avait encore Victoire à ses côtés, quand il éprouvait encore quelque chose à l’idée d’être président, puissant. Quand il se croyait encore le vainqueur. A l’époque, il n’aurait pas été surpris de tomber sur les Avengers en sortant de sa douche, amer déjà-vu. Il s’attendait à tout d’eux. Pas qu’ils se laissent avoir par le soulagement de la fin de la Purge, par le mythe du héros que Liesmith avait soigneusement tissé autour de lui, mensonges qui n’étaient jamais devenu réels, malgré ses efforts pour y croire. Ils ne venaient qu’à la fin de son règne, comme pour gâcher sa sortie, gâcher sa joie. Evidemment.

« - Là, on joue. » Un sourire étire le coin de sa lèvre, et son rythme cardiaque s’accélère imperceptiblement, le chant de la gemme entonnant un hymne épique, un cri de guerre qui demande le sang, au creux de son oreille. Six. Il plane dans leur dos, gardant la grille d’aération de Stark dans son champ de vision. C’est de la triche, et Loki a bien relu les règles avant de jouer avec : ça c’est de la triche. Il pourrait envoyer le reste des gardiens. Ce ne serait pas très gentil pour leurs familles. Il y aura forcément une affaire – et il compte bien se placer en victime pathétique, montrer du doigt son adversaire, dans le doute.  Il n’est pas encore certain de son jeu-là. Il peut toujours être Loki, présent pour les mêmes raisons qu’eux. C’est toujours plus simple à expliquer que le président soudain capable d’anéantir ses ennemis à lui tout seul. Ou un autre voleur, un autre visage… Mais cela n’a pas le même message. Et c'est très personnel soudainement.

Loki rejoint son corps et s’étire lentement. Il quitte les haillons du président pour adopter momentanément l’esquisse de l’asgardien qui, inconnu de tous, à aider à sauver le monde il y a quelques mois et gagner un petit pourcentage de PTSD à ajouter à sa collection ; le super-vilain qui rôde au camp asgardien, dans les jupes de sa mère et de son frère, insaisissable. Puis, il se téléporte directement à l’intérieur de la salle du serveur.
Il aurait du prendre un livre pour patienter.